EX-LIBRIS -
ARMOIRIES - CACHETS
Un
beau livre volé est aujourd'hui souvent aussi difficile à revendre qu'un
beau diamant.
Tout le monde bibliophile le connaît, en sait le signalement sur
le bout du doigt. D'ailleurs les collections importantes sont marquées,
non avec ces ignobles cachets gras qui déshonorent le titre d'un
livre et sont tout au plus tolérables dans les administrations
publiques, chez lesquelles les bibliothèques deviennent des immeubles
par destination ; non point
davantage avec des timbres secs. Mais avec des ex-Libris soigneusement
gravés, collés sur la garde - qu'on peut enlever, il est
vrai, - et mieux encore, par des armoiries sur les plats et des chiffres
sur le dos de la reliure.
La coutume des ex-Libris est charmante et peu coûteuse.
Il y a des personnes qui font collection des ex-Libris. L'éditeur
Poulet-Malassis, d'érotique mémoire, a publié sur
ce sujet amusant de l'histoire de la Bibliophilie, un volume in-8°,
accompagné de 24 planches, où il a réuni les types
les plus recherchés parmi les ex-Libris français.
Quelques-uns sont de vrais petits chefs- d'oeuvre de gravure et sont
relevés en outre par une maxime piquante. Les plus communs représentent
les armoiries ou les attributs professionnels du collectionneur avec
ces mots : ex-Libris, ex-Musoeo... ex- Bibliothecà d'un
tel. Malgré toutes ces précautions, un amateur jaloux
fera toujours bien de se souvenir de ces deux vers que Guilbert de Pixérécourt
avait fait insérer sur le fronton de sa bibliothèque :
Tel est le triste sort de tout livre prêté
Souvent il est perdu, toujours il est gâté.
Les plus minces bibliophiles tiennent naturellement à leur bien
autant que les gros seigneurs. Et je suis de l'avis de ceux qui ne prêtent
point de livres. Il y a des bibliothèques publiques instituées
pour rendre ce service aux travailleurs qui en abusent d'autant plus
qu'ils sont plus haut placés. Villemain ne rendait jamais les
livres empruntés et il fallait la complicité de son secrétaire
pour que le prêteur pût aller reprendre furtivement son
bien. Loménie gardait cinq ans un livre de dix sous et refusait
cyniquement de le rendre.
|