Abbé
Blain, Promenade d'un touriste au pays de la science, 1887
Un nouvel équatorial | détail
Tout
admirateur des merveilles célestes pourra désormais compléter
à peu de frais son installation astronomique, et s'adonner avec
une louable émulation à des études qui ont pris
depuis quelques années un prodigieux développement, et
qui, par leur nature même, élèvent l'âme jusqu'à
la contemplation des insondables mystères de la toute-puissance
divine.
Qu'est-ce qu'un
équatorial, et quel est son usage ?
Il a été
donné à l'homme, et c'est là une de ses plus indiscutables
gloires, de surprendre quelques-unes des admirables lois par lesquelles
la main de Dieu régit les mondes; et chaque jour des déductions
inattendues de ces grands principes font pénétrer plus
avant le génie humain dans ce champ sans limites, librement ouvert
à ses investigations.
Aux très
peu précises observations du premier âge de l'humanité
avait succédé l'astronomie mathématique, remplacée
plus tard par l'astronomie physique, science tout à fait moderne,
qui commença avec l'invention des instruments (télescopes
et lunettes), mais qui grandit, de nos jours, par les révélations
du spectroscope et de la photographie sidérale.
Or, cette marche
rapide, ces progrès incessants de l'astronomie se trouvent liés
à une disposition spéciale du pied ou de la monture
qui supporte la lunette d'observation.
Nos lecteurs qui
ont à leur usage une longue-vue terrestre peuvent, à loisir,
examiner et reproduire par le dessin les multiples détails d'une
maison, d'un paysage, etc., que l'instrument amplifie pour la satisfaction
de leur curiosité : l'immobilité du but rend facile cet
examen prolongé.
Il en va tout autrement
de l'observation des astres l'aide de la lunette ou du télescope
: semblable à un capricieux feu follet, l'étoile étincelante
traverse rapidement le champ de l'objectif... et bientôt disparaît.
Cette soudaine disparition
se comprend et s'explique : la terre, dans son mouvement diurne de rotation,
nous entraîne avec elle, et la rapidité de notre marche
détermine un déplacement apparent des astres qui semblent
alors, à nos yeux, décrire autour de l'étoile polaire
des cercles parallèles entre eux, ayant pour centre commun le
pôle du monde.
L'observateur qui
prétend les suivre dans leur course circulaire doit s'ingénier
à diriger de telle sorte le jeu de sa lunette que, par la combinaison
d'un double mouvement horizontal et vertical, il fasse décrire
à son instrument exactement le même arc de cercle parcouru
par l'étoile.
A ce métier
plus d'un astronome débutant perdit patience.
C'était pour
lui plus rude épreuve encore s'il conviait un ami à partager
son enthousiasme, à contempler les détails et les ombres
d'un cirque lunaire, les nuances chatoyantes d'une étoile double,
ou le pâle éclat d'une nébuleuse
Je passe... ils
n'étaient déjà plus.
Dans
le but de supprimer ces tâtonnements et ces désagreables
déceptions, on adopta depuis longtemps, pour les grands observatoires,
une disposition nouvelle du support des lunettes astronomiques. Incliné
parallèlement à l'axe du monde, ce pied (qui se
compose en principe de deux arbres d'acier montés sur coussinets
et se croisant à angle droit) permet de faire décrire
à la lunette, par un simple mouvement de rotation, une série
de cercles plus ou moins étendus, au gré de l'astronome,
mais tous parallèles au grand cercle de l'équateur, d'où
lui est venu le nom de pied équatorial, ou simplement
équatorial, ou encore monture parallactique.
Ce genre
de pied présente un second avantage : il indique, à l'aide
de deux cercles gradués, l'exacte position d'un astre dans le
firmament à un instant déterminé, c'est-à-dire
sa latitude et sa longitude, ou, en termes astronomiques, sa déclinaison
et son ascension droite.
Un mouvement
d'horlogerie, réglé sur le temps sidéral et accomplissant
sa révolution diurne en 23 h. 56' 4", entraîne l'axe
horaire du pied équatorial, de telle sorte que la lunette fixée
sur un astre, le suit dans sa course, sans lui permettre d'abandonner
le centre de l'objectif.
Il ne fallait
rien moins que cette ingénieuse combinaison pour appliquer à
l'étude physique du monde sidéral la photographie et l'analyse
spectrale.
Tel est le
principe de l'équatorial, et telles en ont été
jusqu'à ce jour les applications.
Mais les
équatoriaux lancés dans le commerce sont cotés
à un prix que l'opulence seule peut atteindre.
Aussi, que
faisaient jusqu'à ce jour les observatoires privés, les
cabinets de physique, les amateurs, n'ayant à leur disposition
que le vulgaire trépied azimutal ? Ils laissaient dormir ans
la poussière lunettes et télescopes.
De modestes
chercheurs ont abordé l'intéressant problème d'un
équatorial précis, solide, portatif et à prix
réduit, et ils ont présenté au public savant
le fruit de leur travail : "l'Amateur ".
Des hommes
de haute valeur et d'une incontestable compétence astronomique
ont applaudi à cette courageuse innovation, saluant avec joie
l'apparition de cet instrument qui semble ouvrir une ère nouvelle
pour les astronomes amateurs. Chacun pourra donc s'accorder la délicate
jouissance de découvrir et d'examiner en pleine lumière
du soleil les étoiles de première grandeur et les
plus intéressantes planètes ; de suivre degré par
degré sur les cercles de son équatorial les solutions
si merveilleusement régulières des astres ; de fixer par
la photographie telle ou telle tache solaire, telle région montagneuse
de la lune; d'essayer même, au moyen du spectroscope, de surprendre
les éruptions incandescentes de la photosphère du soleil.
«
Sic itur ad astra. »
Mais
l'il du Chrétien ira plus haut encore; soulevant le voile
des merveilles célestes, par delà cet infini des mondes
il saura découvrir Celui qui est et qui demeure « le DIEU
DES SCIENCES ».
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