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C. Delon, Histoire d'un livre, 1884
Tirage à la machine

Ce texte décrit l'état de la technique en 1884. Voir aussi les pages "Ateliers et presses".

Nous avons étudié avec quelque détail le tirage à la presse à bras, parce que c'est l'ancien procédé, le procédé historique, celui qui n'a été que très peu modifié depuis le premier inventeur. C'est maintenant encore le meilleur, le plus parfait ; et quand on vent imprimer un livre avec la plus grande perfection possible, on l'imprime à la presse. Rien n'a encore pu remplacer pour ces ouvrages délicats la main adroite et l'intelligence de l'ouvrier. Aujourd'hui, vous le savez, mes. jeunes lecteurs, on veut tout faire, on fait tout à la mécanique... Cela a bien des inconvénients! Mais il y a aussi des avantages ; il y a nécessité surtout. Il faut aller vite! Il faut en toute chose produire beaucoup, et rapidement, à bon marché, pour tout le monde : des étoffes, des objets, des meubles - du papier, et aussi des livres. Il faut donc imprimer beaucoup, et très rapidement, dût l'impression être un peu moins parfaite, afin qu'un livre coûte peu, que tous puissent l'acheter. Voilà pourquoi nous devons regarder les machines à imprimer comme une très belle et très utile invention, un grand bienfait, un moyen excellent de l'instruction, la science, répandre les livres, et avec les livres, la pensée. - Il y a un grand nombre de machines à imprimer, différentes entre elles ; et d'ailleurs toutes très compliquées. Je ne saurais donc vous les décrire en détail : je veux du moins vous en faire comprendre le principe.

Principe
Imaginez une forme encrée posée sur la table, une feuille de papier étendue dessus. Si, au lieu de presser toute la surface de cette feuille au moyen d'une plaque bien dressée, je passe dessus un gros rouleau, en appuyant assez fortement ; quand le rouleau aura passé sur toute la feuille, toutes les parties, les unes après les autres, auront été pressées contre la forme, et la feuille se trouvera imprimée. La même chose aurait lieu encore si, au lieu d'étendre la feuille de papier sur la forme, nous l'avions enroulée sur le cylindre. En faisant rouler le cylindre sur la forme, toutes les parties de la feuille successivement viendront toucher les lettres noircies et prendront l'empreinte. - C'est compris. Eh bien, maintenant, supposez qu'au lieu de rouler le cylindre sur la forme fixe, ce cylindre soit tenu fixe, à une petite distance au dessus de la table, libre seulement de tourner sur son axe (essieu), et qu'on fasse glisser dessous la forme encrée : le mouvement est inverse, mais le même effet est produit. Le cylindre tourne sur lui-même, et la feuille qui le recouvre se trouve pressée sur la forme à mesure que celle-ci, glisse en dessous, appuyant les lettres sur le papier. Voilà le principe de la presse mécanique à cylindre. Voyez les conséquences de cette idée de renverser pour ainsi dire les choses. Pour encrer une forme, on promène, n'est-ce pas, un rouleau noirci sur cette forme. On pourrait, tout aussi bien, faire passer la forme sous le rouleau, qui serait fixe, libre de rouler seulement ; les lettres de la forme viendraient, en passant, prendre de l'encre à la surface du rouleau. - Mais pour encrer le rouleau lui-même, que fait-on ? On le promène, avons-nous dit, sur une table enduite d'encre. Eh bien! au lieu de cela, s'il nous semble plus commode, nous pouvons, inversement, faire passer la table enduite d'encre sous le rouleau. Ainsi sont disposées les choses dans la presse mécanique la plus ordinaire, dont vous pouvez distinguer les principales pièces sur la figure ci-jointe.

Machine à imprimer double : à gauche, un ouvrier présente une feuille de papier au cylindre, dont les griffes vont saisir la feuille. - à droite, un apprenti reçoit la feuille imprimée sortant de dessous le cylindre. - L'imprimeur examine une des feuilles tirées, pour vérifier si la machine fonctionne régulièrement.
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Une large table bien dressée va et vient en glissant sut une sorte de chemin de fer, à peu près comme le train de la presse à bras. A l'un des bouts de cette table est posée la forme. Dans son mouvement de va-et-vient, la forme passe sous le cylindre imprimeur, qui est de fonte, parfaitement travaillé, et garni autour d'étoffes produisant le même effet que celles du tympan de la presse, c'est-à-dire ayant pour but d'adoucir la Pression. La feuille à imprimer est enroulée sur ce cylindre : au passage de la forme elle reçoit donc, d'un côté, l'empreinte des lettres. La table, revenant alors en arrière, la forme va passer et repasser sous des rouleaux a encrer, qui lui fournissent de l'encre : et, tandis que le mouvement de la table ramène la forme sous le cylindre, une autre partie de cette même table sur laquelle de l'encre a été distribuée, passe sous les rouleaux, et vient leur donner de l'encre. - Et qui étale l'encre sur la table elle-même ? - D'autres rouleaux noircis, sous lesquels elle vient passer ensuite, dans le mouvement de retour. - Et qui la donne à ceux-ci ? - Un autre rouleau encore, qui, par un mouvement mécanique, va prendre de l'encre au rouleau-encrier, situé tout à l'extrémité, à peu près comme fait le toucheur en prenant avec son rouleau à bras l'encre qu'il va distribuer sur la table. Vous voyez que la machine imite, autant que possible, le travail intelligent de la main humaine. - Or s'il fallait, à chaque fois, étendre à la main la feuille de papier sur le cylindre imprimeur, ce serait un long retard ; la machine fait encore cela elle-même. Un ouvrier imprimeur prend la feuille, la pose sur une sorte de pupitre établi sur la machine, près du cylindre. La feuille ainsi présentée touche même le cylindre par son bord. Au moment convenable, de petites griffes de métal, fixées sur le cylindre saisissent au passage le bord de la feuille, et le cylindre, en tournant, l'enroule bien régulièrement autour de lui. De petits rubans suivent la feuille, s'enroulant avec elle, et, la pressant contre le cylindre, la guident, l'empêchent de se déranger. Le cylindre ayant fait un tour, la feuille est imprimée : elle sort du côté opposé ; un autre ouvrier la saisit, la tire vers là, la dégage et la pose sur le tas où sont déposées les feuilles déjà imprimées. - L'autre côté de la feuille sera tiré en une autre fois, et de la même manière ; il y a même des machines, plus compliquées encore, qui, lorsque la feuille est imprimée d'un côté, la. saisissent, la retournent sur l'envers et la font passer ainsi retournée à un second cylindre, qui imprime aussitôt de l'autre côté. Or pour que tout ce fonctionnement se fasse avec régularité, que la feuille soit bien et nettement imprimée, il a fallu d'abord, comme pour la presse à bras, faire avant le tirage une mise en train, c'est-à-dire disposer, régler dans le plus minutieux détail le jeu de toutes les pièces de la machine. Cela fait, l'imprimeur dit : Roulez ! La machine roule, le mouvement de va-et-vient de la table, celui du cylindre, des rouleaux, se fait régulièrement, rapidement, sans interruption : les ouvriers n'ont plus qu'à donner les feuilles à la machine, à les recevoir tout imprimées, à surveiller et à guider la marche de l'appareil. La machine à imprimer est mise en mouvement par une machine à vapeur. Dans une grande imprimerie, plusieurs machines travaillent à la fois, et le même moteur les fait marcher toutes. Les machines à imprimer les journaux sont de dimensions énormes, et surtout marchent avec une vitesse prodigieuse. Mais les journaux ne sont pas des livres ; nous ne nous y arrêterons pas.



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