La première chose que vous avez faite, le jour où mon petit livre fut mis entre vos mains, ç'a été, j'en suis bien sûr, après un rapide coup d'œil jeté sur la couverture et le titre, de le feuilleter d'une main curieuse ; et alors vous vous êtes dit, avec plaisir, j'en suis sûr aussi : «Ah ! il y a des gravures !» - Un livre dans lequel il y a des gravures, c'est ce qu'on appelle un livre illustré. Cette idée d'orner les livres de dessins pour récréer les yeux du lecteur n'est pas nouvelle ; et vous vous rappelez ces manuscrits historiés du moyen âge, ces Bibles, ces missels à images, ces livres d'heures ornés de peintures délicates, de miniatures faites à la main, au pinceau, resplendissantes de vives couleurs, enrichies d'or et d'argent, de grandes lettres, peintes aussi, avec des enroulements, des feuillages. Ces manuscrits, il vous en souvient, étaient dits enluminés ; et ce mot correspond justement à notre expression moderne d'illustré ; les premiers livres imprimés, à l'imitation des manuscrits, eurent aussi des dessins, des lettres ornées, souvent imprimées en diverses gravures, couleurs. Cette gentille mode n'a point passé, comme, vous le savez ; et de nos jours plus que jamais on aime, on recherche les livres illustrés ; on en publie beaucoup ; il en est de charmants. Les dessins sont, il est vrai, le plus souvent de simples gravures en noir ; mais si fines, si gracieuses ! - Ah ! quelle ravissante profusion d'oiseaux et de fleurs, sur les pages du beau livre intitulé l'Oiseau, que j'ai là, ouvert sous les yeux, tandis que j'écris ces lignes. Mais des livres de moindre prix sont déjà fort agréablement ornés.
Les dessins que contient un livre peuvent avoir deux destinations différentes. Tantôt ils sont là seulement pour le plaisir des yeux, à titre d'ornement : on les nomme souvent alors vignettes, illustrations. Une vignette placée au commencement d'un chapitre est un en-tête ; celle qui indique la fin d'un chapitre est appelée cul-de-lampe, parce que ces sortes d'ornements, autrefois surtout, imitaient la forme d'un support à poser une lampe. Un grand dessin qui occupe une page entière au commencement du livre se nomme frontispice ; tel est celui qui suit la page de titre de ce livre. D'autres fois les dessins ont pour but d'aider à comprendre le texte ; ils sont là plutôt pour l'utilité que pour l'ornement. Ils représentent les choses dont le livre donne la description, ils rendent l'explication plus facile à suivre. Ces sortes de dessins, souvent très simples, sont appelés des figures. Telles sont les figures formées de simples lignes que vous trouverez dans les ouvrages de mathématiques, les cartes dans les livres de géographie. Souvent, en mettant des, dessins dans son ouvrage, l'auteur se propose à la fois les deux choses : rendre plus claires, compléter les explications ; en même temps orner le livre. Et, c'est, par exemple, dans ce double but qu'ont été exécutées les gravures de ce volume. - Dans certains livres vous trouverez de grands dessins couvrant des pages entières, quelquefois tirés en couleur. Ces sortes de dessins sont tirés à part et par divers procédés que nous n'avons pas à expliquer ici, sur un papier différent de celui de 1'ouvrage. On les appelle des planches; et ce nom vient de ce qu'ils ont été gravés sur des planches ou plaques de métal. Le relieur les met en place, entre les pages, lorsqu'il coud le volume. Mais le plus ordinairement les illustrations sont imprimées sur les pages du livre, souvent même entourées des lignes du textes celles-là sont tirées à la presse typographique, en même temps que le texte.
Gravure sur bois N'êtes-vous pas curieux de savoir comment se font ces jolis dessins ? Presque tous sont, comme ceux que vous voyez ici gravés non pas sur métal, mais sur bois, par 1e procédé de la gravure en relief. - Le bois dont on se sert est un bois très dur et très fin, le buis ; de plus, on grave sur le bois debout, c'est-à-dire sur le bout des fibres, sur le plat d'un tronçon mince du bois, scié en travers du tronc de l'arbrisseau.
Pour nous rendre mieux compte des procédés, prenons un exemple : soit ce charmant nid d'oiseau dans les branches...
Regardez de près la gravure. Vous observez tout d'abord que le contour des objets - branches, feuilles, oiseaux - est marqué par un trait noir excessivement fin, délié. Les parties blanches du dessin sont formées par le blanc du papier, qui reste pur entre les traits noirs. Maintenant, remarquez certaines parties du dessin qui ne vous semblent ni noires ni blanches, mais font pour votre œil l'effet d'un gris plus ou moins foncé, comme une teinte grise étalée au pinceau. En regardant de très près vous reconnaîtrez que ces parties sont couvertes de traits noire très fins, très serrés, parallèles ou entre-croisés, qui laissent cependant paraître entre eux le blanc du papier en de très étroits espaces. Le mélange qui se fait pour l'œil à une certaine distance, du blanc, du papier et du noir des traits, forme du gris. Ces traits sont ce qu'on appelle des hachures. La teinte est plus ou moins sombre, suivant que, les hachures sont plus larges et plus serrées, ou plus fines et plus espacées. Elles servent à marquer les ombres sur le dessin, ou à imiter la couleur naturellement foncée de certains objets. - Il ne s'agira donc, pour obtenir un tel dessin avec toutes ses nuances, que de marquer des traits noirs et de laisser des espaces blancs.
Le burin dans la main du graveur
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Tout d'abord le dessinateur, qui est un artiste habile, a choisi un petit bloc de bois de la grandeur de la vignette qu'il veut exécuter. Ce bloc est taillé avec précision ; sa surface supérieure, qui a la forme d'un rectangle, est parfaitement dressée au rabot, finement polie; puis on l'a blanchie en y étendant une couche très mince de couleur blanche (blanc de céruse). Sur cette surface, comme sur une belle feuille de papier, avec un crayon de mine de plomb taillé en pointe très fine, l'artiste a esquissé d'abord les traits déliés des contours, puis tracé les hachures qui marquent les ombres. - Parfois, en certaines parties, il étend aussi, à l'aide d'un pinceau, une teinte grise ou de petites touches de blanc. Le dessin achevé, le bois est porté chez le graveur : un artiste encore, et dont l'oeil doit être bien vif, la main bien adroite. Le graveur prend son burin, petit outil d'acier tranchant, terminé en pointe très fine et très aiguë. Avec cet instrument, il creuse de petits sillons dans le bois. Il enlève ainsi le bois à tous les endroits que le dessinateur a laissés blancs : il laisse au contraire en relief, en saillie, il épargne, comme on dit, tous les traits noirs, si fins, du crayon. Œuvre difficile, délicate ! travail de patience ! L'habileté du graveur consiste à suivre avec intelligence les coups de crayon du dessinateur. - Cette façon de graver en enlevant les blancs, en laissant en saillie les noirs, c'est ce qu'on appelle la gravure en relief ou en taille d'épargne.
Le bois est gravé. Passons dessus un rouleau encré : il est évident que l'encre s'attachera seulement aux parties touchées par le rouleau, c'est-à-dire aux traits laissés en relief, et qui correspondent aux traits noirs. Cela fait, si nous pressons fortement et bien également, sur le bois touché au rouleau noir, une feuille de papier, les traits noirs laissés en saillie marqueront; les endroits creusés laisseront le papier blanc. Nous aurons ainsi, imprimée sur le papier, une vignette absolument semblable à celle que le dessinateur avait dessinée sur le bois : avec cette différence toutefois que le dessin sera retourné, lui aussi, comme l'eût été une ligne composée, la droite à là gauche, la gauche à la droite. - Vous voyez qu'un bois gravé en relief s'imprime absolument comme les lettres ; il peut être tiré sous la presse en même temps que le texte de la page. - Le bois gravé est donc envoyé à l'imprimerie; le metteur en pages, lorsqu'il forme son paquet de page, introduit entre les lignes composées, à l'endroit que l'auteur a désigné, ce petit bloc de bois, en ayant soin que sa surface soit bien à la hauteur du relief des lettres. Si le bloc de bois n'est pas assez épais pour cela, il collera dessous une feuille de papier ou de carton, qu'il appellera une hausse, afin de hausser les traits gravés au niveau des lettres. La page contenant le bloc de bois sera imposée avec les autres, mise sous la presse, encrée et tirée en même temps que les autres, et le dessin apparaîtra imprimé à sa place entre les lignes.
Clichés
Mais cette façon d'agir offre un inconvénient très grave. Le bois, même le bois le plus dur, n'est pas une matière très résistante. La pression un peu forte, nécessaire pour bien imprimer, peu à peu écrase les traits si délicats, les fins reliefs de la gravure; en sorte qu'après un certain nombre d'exemplaires tirés, dix mille, par. exemple, la gravure est usée, elle ne peut plus servir. Et certes c'est bien dommage ! une chose qui a coûté tant de talent, de soin, si délicatement travaillée! Un bois gravé finement et artistiquement est chose précieuse et qui coûte cher. Pour éviter ce dommage, on a imaginé, il y a une quinzaine d'années, d'imprimer, de mettre sous la presse non pas le bois lui-même, mais un cliché, c'est-à-dire une copie en métal, absolument semblable au bois gravé, faite au moyen de ce bois. Ce cliché en métal est beaucoup plus résistant que le bois, il s'use bien plus lentement; on peut tirer plus de cent mille exemplaires avant qu'il soit hors de service ; de plus, s'il est usé ou brisé, le bois qui a servi à faire le premier peut servir encore à en faire un second, un troisième - enfin autant qu'on en voudra.
Mais comment peut-on faire ce cliché, cette copie de métal ? - On pourrait prendre l'empreinte, le moule du bois avec du plâtre, et y couler du métal de caractères, ainsi que nous l'avons, vu pratiquer pour faire des clichés de pages composées. On a fait autrefois usage de ce moyen; on l'emploie encore quelquefois aujourd'hui. Mais les clichés ainsi produits sont rarement irréprochables : les traits si fins des dessins ne se reproduisent pas assez nettement sur le cliché. On a imaginé enfin, il y a une quinzaine d'années, un procédé plus perfectionné, qui donne des clichés de cuivre, beaucoup plus résistants que ceux de plomb, et d'une finesse merveilleuse.
Voici notre bois gravé, avec ses creux et ses reliefs. Si nous le pressons fortement contre une plaque de cire, amollie par une douce chaleur, ces creux, ces reliefs vont faire leur empreinte dans la cire. En retirant le bois, nous verrons, formé dans la cire, le moule de la gravure. Imaginez maintenant que nous coulions du métal dans le moule que nous venons de faire... - Ah! mais la cire va fondre, tout sera détruit ! vous écriez-vous. - Très juste, mais enfin supposez que par un certain moyen nous puissions arriver à couler du métal dans le moule sans faire fondre la cire... admettez cela. Eh bien! alors, en retirant le métal du moule, vous aurez une reproduction exacte du bois gravé, ayant les creux et les reliefs disposés de la même manière, en un mot absolument semblable, sauf la matière qui est plus résistante. Or ce moyen de mouler du métal dans l'empreinte sans faire fondre la cire, il existe ; c'est une découverte toute moderne, et bientôt j'essayerai de vous en donner une idée.
Presse pour faire des moules de cire : Un bois gravé maintenu dans son cadre de fer et une plaque de cuivre préparée pour en faire le moule sont posés par terre.
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L'ouvrier clicheur a d'abord coulé dans une petite cuvette de plomb très peu profonde une plaque de cire assez mince, à peu près de la grandeur du bois ; et tandis que, cette cire est encore molle, il va la presser sur la surface gravée. Mais la main ne pourrait produire une pression ni assez forte ni assez égale. Le mouleur emploie donc une presse d'une forme toute particulière, et qu'il serait inutile de décrire en détail. La platine de cette sorte de presse est solidement fixée; et c'est le
marbre qui peut s'élever et s'abaisser à volonté. Sur ce marbre l'ouvrier a d'abord disposé le bois gravé, maintenu par une sorte de cadre; dessus, il dispose la plaque de cire. Puis, en tournant une roue, il fait monter lentement et doucement le marbre. Le bois et la cire, pris entre la platine fixe et le marbre qui se soulève, sont fortement et très également pressés. Le mouleur desserre sa presse, retire la cire, en détache le bois. - Une observation cependant : si le mouleur avait pressé, sans autre précaution, la cire sur le bois, cette cire se serait collée au bois, et il n'eût pu les séparer. Pour éviter cet inconvénient, l'ouvrier a soin de saupoudrer sa plaque de cire molle, à l'aide d'un pinceau très doux, d'une substance qu'on nomme plombagine - et que vous connaissez bien, car c'est la mine de plomb avec laquelle on fait les crayons. La surface de la cire devient ainsi lisse et luisante, et ne peut plus adhérer au bois. Ce n'est pas tout encore : lorsque le moule est séparé du bois, on le frotte de nouveau de plombagine, à l'aide d'une brosse douce, en sorte que sa surface devient d'un beau gris foncé, mais luisant, vif comme le métal poli. Cela se fait pour une raison toute particulière, dont je vous dirai un mot plus loin. Le moule préparé, il s'agit d'y déposer du métal, du cuivre. Mais qui s'en chargera, puisque nous ne pouvons employer la chaleur pour rendre le métal fluide ? Qui s'en chargera ? Ce sera l'électricité, - cette même électricité qui circule par les fils du télégraphe, cette même électricité qui est la cause de la foudre et de ses terribles phénomènes. - Il me serait impossible de vous faire comprendre le principe de ce procédé, de vous expliquer ici comment agit cette force qu'on appelle électricité, et qui est, pour dissocier les atomes, pour séparer et rendre libres les parcelles infiniment petites des substances, aussi puissante que la chaleur elle-même : je ne puis que vous montrer les résultats de son action.
Il y a une sorte de sel en très gros grains, d'une couleur bleu-verdâtre magnifiquement transparent, et qu'on appelle vulgairement du vitriol bleu. Son vrai nom est sulfate de cuivre ; ce nom, donné par les chimistes, exprime que ce sel est composé de cuivre, de soufre, et d'une troisième substance encore (l'oxygène un des deux gaz qui forment l'air). Retenez du moins ceci, que dans ce sel bleu il y a du cuivre, quoiqu'on ne voie pas la moindre parcelle de ce beau métal rouge; il y a du cuivre, comme il y a du fer dans la rouille, comme il y a du charbon dans le bois... Les atomes du cuivre sont entremêlés avec ceux du soufre, avec ceux de l'oxygène, à tel point qu'il est impossible de discerner le métal; pourtant, dans une certaine quantité de sulfate, environ un tiers est du cuivre. On fait d'abord dissoudre dans de l'eau ce sel, qui s'y fond, absolument comme ferait du sel ordinaire ; cette dissolution forme une liqueur d'un beau bleu vert, violent poison, entre parenthèses. C'est ce qu'on appelle, en termes d'atelier, le bain parce que les moules vont y être plongés, baignés. Ce bain, contient donc du cuivre en assez grande quantité, sous forme d'atomes flottants, errants, mêlés à l'eau, invisibles, excepté par la couleur qu'ils donnent au liquide.
Le moule a été mis dans le bain. Eh bien, maintenant il s'agit d'aller chercher, dans toute la liqueur, les atomes de cuivre flottants, invisibles, de les amener sur la surface du moule, de les forcer. à venir s'entasser là, à se serrer les uns contre les autres, pour faire une certaine épaisseur de métal, et de métal solide, tenace, résistant ! ... Voilà ce que va
faire l'électricité ; comment ? - c'est, répété-je, ce qu'il m'est impossible de vous expliquer complètement, parce que, pour le comprendre, il vous faudrait des connaissances de physique et de chimie, et vous ne les possédez pas sans doute.
Je dois pourtant vous dire que le moule, d'une part, et d'autre part une grande plaque de cuivre rouge plongée aussi dans le bain, doivent être attachés à deux longs fils de cuivre qu'on nomme conducteurs, et qui jouent un rôle tout semblable aux fils du télégraphe, que vous voyez, sur les routes, tendus entre les poteaux ; par leur autre extrémité, ces fils aboutissent à un appareil qui produit l'électricité, et qui porte le nom de pile. J'ajouterai encore que la couche de plombagine étalée à la surface de la cire est justement nécessaire pour permettre à l'électricité de trouver facile passage. Par les deux fils à la fois, l'électricité arrive invisible dans le bain ; et tout aussitôt commence son merveilleux travail. - La voilà qui recueille de toutes parts, dans le liquide, les atomes errants de métal - elle les amène sur le moule, en nombre immense ; là, elle les groupe, elle les entasse, elle les soude ensemble. Au bout de quelques instants la surface grise de la plombagine est devenue toute rouge. Le cuivre déposé forme une couche, excessivement mince d'abord, comme une pellicule qui va augmentant peu à peu d'épaisseur ; il pénètre dans toutes les cavités de la cire, il suit toits les reliefs. Attendons deux jours environ, et l'épaisseur sera suffisante ; le métal formera une plaque résistante de beau cuivre rouge, qu'on pourra détacher de la cire. Du côté de la cire, elle a suivi toutes les formes du moule, et par conséquent elle est absolument semblable au bois gravé, et peut être imprimée de la même manière. C'est ce qu'on appelle un cliché galvanique.
Toutefois cette plaque de cuivre est trop mince encore; pour lui donner la résistance suffisante, il faut la doubler d'une épaisseur assez grande de plomb, ou plutôt de métal à caractère, moins mou que le plomb. Pour cela, l'envers du cliché détaché est tout d'abord nettoyé avec soin; puis on l'étame avec de l'étain, absolument comme on étame l'intérieur d'une casserole de cuivre. Cette précaution est nécessaire pour que le plomb qu'on va couler se soude au cuivre, adhère fortement et partout. Ainsi préparé, le cliché et posé, l'envers en dessus, dans une sorte de cuvette à rebords peu élevés; puis, dans cette cuvette plate, l'ouvrier verse du plomb fondu. Le plomb, en se refroidissant, se solidifie ; il est soudé à l'étain de l'étamage et au cuivre; le tout se tient d'une pièce, et forme maintenant une plaque épaisse et forte.
Machine à raboter pour dresser les clichés.
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Pour que le cliché ainsi doublé et renforcé de plomb puisse s'imprimer nettement, il est absolument nécessaire qu'il soit parfaitement dressé, et d'épaisseur bien égale partout. Ce dressage est chose délicate. Tout d'abord un ouvrier fixe le cliché sur un plateau rond, tenant à un tour, à peu près semblable à un tour à tourner le bois. Le tourneur, avec un outil bien tranchant, enlève l'excédent de l'épaisseur du plomb, en dressant le mieux possible sa surface. Mais cela ne suffit pas toujours. Le cliché, détaché du tour, sera ensuite, s'il est nécessaire, porté sur une machine à raboter, qui achèvera de le dresser. - Cette machine porte une lame de fer tranchante, bien affilée, qui, passant sur l'envers du cliché, enlève un mince copeau de plomb tout à fait comparable au ruban de bois qu'enlève le rabot du menuisier, et dresse la surface du plomb comme l'outil du menuisier aplanit une planche.
Notre cliché est dressé ; le contour, découpé à la scie et au ciseau, suit à peu près la forme d'ensemble du dessin. Doublé de plomb, il a une épaisseur de cinq millimètres environ : c'est assez pour la solidité. Il n'a pas la hauteur suffisante : simplement posé sur le marbre de la presse, il serait beaucoup trop bas. Le moyen de parer à cette difficulté, vous le connaissez déjà : il consiste à fixer, au moyen de pointes, le cliché de métal sur un petit bloc de bois bien dressé, et d'épaisseur convenable. On peut l'introduire alors dans la page composée, comme on y eût placé le bois gravé lui-même.
L'opération de la mise en pages, assez simple lorsqu'il s'agit d'un livre sans dessins, est beaucoup plus compliquée et plus difficile pour un ouvrage illustré. Il faut mettre en place, au milieu des Homes, les blocs de bois qui portent les clichés, les assujettir solidement. De plus, très souvent un dessin ne remplit pas toute la largeur (justification) de la page : alors, pour ménager l'espace, il convient de remplir le reste de la largeur avec des bouts de lignes; en sorte que le dessin se trouve entouré de texte, d'un côté seulement ou des deux côtés. Voyez, par exemple, la page 159. de ce livre : il y a là un dessin très petit, qui eût fait un mauvais effet, isolé, au milieu d'un grand espace blanc. Qu'a fait le metteur en pages ? Il a d'abord placé au bout de sa ligne, au côté de la page, le petit cliché monté sur son bloc de bois. Naturellement, il ne lui restait plus, à cet endroit, qu'une largeur moindre pour placer du texte. Or le compositeur forme toujours ses lignes pleines, complètes, à toute la justification. Remaniant, reprenant mot à mot, presque lettre à lettre, sur les lignes pleines composées, le metteur en pages a formé des lignes plus courtes, qu'il a ajustées à. la gauche du cliché (puisque sur le livre imprimé elles vous paraissent à droite), pour remplir la justification. L'endroit du cliché dépassé, il recommencera à mettre des lignes entières. Or tout ce travail est lent, délicat; il faut aussi de l'habileté, du goût, pour que le dessin, convenablement disposé au milieu des lignes, fasse bon effet, plaise à l'œil.
Impression des clichés
De même quand il s'agit du tirage : la mise en train d'une forme où des clichés sont intercalés dans le texte demande beaucoup de soins; si toutes les plus minutieuses précautions n'ont pas été prises, le dessin ne s'imprime pas bien. Ou bien, par exemple, il prend trop d'encre, ou encore la pression est trop forte au rouleau; et alors il parait trop noir; les petits blancs, entre les fines hachures, sont bouchés. Au lieu de traits fins et déliés, on ne voit plus que de grosses lignes et de larges plaques noires... On dit alors que la gravure est empâtée. Une, autre fois, c'est tout le contraire; le rouleau ne met pas assez d'encre, ou bien la pression n'est pas assez forte : les traits gravés marquent peu, le dessin est tout gris, comme effacé... Il faut qu'en disposant sa forme sur là presse, en arrangeant sa marge, en réglant le foulage, la pression, l'imprimeur corrige tous ces défauts. Et même pendant le tirage il vérifiera à chaque instant si les gravures sortent nettes et pures.