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Paul Dupont, Les Elzevier, 1853

Les Elsevier, imprimeurs hollandais du XVIIe siècle, se sont rendus célèbres par la beauté des éditions qu'ils ont publiées et qui sont encore recherchées et payées fort cher par les amateurs.
Leur véritable nom était Elsevier ou Elzevier, comme on le lit en tête de la plupart de leurs éditions françaises ; mais, dans les éditions latines, suivant la méthode usitée à cette époque, ils le latinisaient et l'écrivaient Elzevirius ; de là vient qu'on les a longtemps appelés et qu'on les appelle encore quelquefois Elzevir.

Louis Ier Elsevier (1540-1617)
Louis Ier Elsevier est celui qui ouvre la carrière où ses descendants devaient acquérir une si grande renommée. Il ne paraît pas néanmoins avoir exercé la profession d'imprimeur.
Né à Louvain, vers 1540, il y fut relieur, et alla, en 1580, s'établir libraire à Leyde : mais il avait des boutiques ou des correspondants à Francfort, à Dordrecht, à Paris, etc. ; car son nom se lit sur des ouvrages imprimés dans ces villes.
Il adopta pour marque typographique un aigle sur un cippe, tenant dans ses griffes un faisceau de sept flèches, avec cette devise autour : Concordia res parvae crescunt (les petites choses s'accroissent par la concorde). C'étaient les armes des provinces unies de la Hollande, qui venaient de se soustraire à la domination de. l'Espagne.
Quant au blason nobiliaire dont quelques Elsevier ont fait usage, c'était, dit-on, celui d'une famille française De Verbois ou De Verdun, à laquelle appartenait Mayke Duverdyn, femme de Louis Elsevier.
Des sept fils de Louis, qui mourut le 4 février 1617, cinq suivirent la profession de leur père : Matthys ou Mathieu, Louis II, Gilles (Aegidius), Joost (Josse ou Juste), Bonaventure (1). - Mathieu, mort le 6 décembre 1640, laisse trois fils : Abraham, Isaac et Jacob.
Isaac, second fils (le Mathieu, est le premier des Elsevier qui exerça la typographie. Il imprima à Leyde, en 1617, in-8° ouvrages de l'empereur Constantin Porphyrogénète, édité par Meursius.


Abraham et Bonaventure Elsevier
Abraham et Bonaventure s'associèrent comme imprimeurs en 1626, et leur société dura vingt-six ans, c'est-à-dire jusqu'à leur mort; car Abraham mourut le 14 août 1652, et son oncle ne lui survécut pas d'une année.
Ce sont les deux plus célèbres typographes de la famille des Elsevier ; ils ont imprimé à eux seuls plus que tous les autres ensemble. Les belles et nombreuses éditions sorties de leurs presses ont attaché à leur nom une gloire impérissable. Ils étaient en correspondance avec tous les savants de cette époque. Balzac leur écrivit une lettre très-flatteuse à l'occasion de la dédicace qu'ils lui avaient faite à lui-même d'une édition de ses oeuvres (1651). Néanmoins, d'autres écrivains célèbres se sont plaints de leur cupidité : Heinsius, dans une lettre à Gronovius (1643), les appelle homines avari.
Un reproche plus grave qu'on leur a fait, c'est d'avoir quelquefois prostitué leurs presses à la reproduction de livres infâmes, auxquels cependant ils n’osèrent pas joindre leur nom, tels que les Capricciosi e piacevoli ragionamenti et la Puttana errante de l'Arétin.
Ils n'avaient ni l'érudition des Alde ni celle des Estienne, et les impressions grecques et hébraïques de ces derniers sont bien supérieures à celles des Elsevier, qui ont cependant imprimé en hébreu l'Apocalypse, avec une version grecque et une latine, 1627, in-4°, et le Talmud de Babylone, 1630, in-4° ; une Vie de saint Pierre en persan, 1639, in-4°, et quelques autres ouvrages en langues orientales.
Mais, dans leurs petites éditions in-12, in-16 et in-24, ils ont porté l'élégance, la finesse et la netteté des caractères à un degré de perfection qu'aucun typographe avant eux n'avait encore atteint. Le Novum Testamentum graecum, 1624, 1633; le Psalterium Davidis, 1635, 1653; Virgilii opera, 1636 ; Terentii comediae, 1635, et plusieurs autres livres, ornés de caractères rouges, sont des chefs-d'oeuvre typographiques.


Respublicae Variae
Les Respublicae variae, in-24, collection connue sous le nom de Petites Républiques, et à laquelle les amateurs réunissent beaucoup d'autres ouvrages politiques et géographiques imprimés en Hollande dans le même format, a été plus estimée autrefois qu'elle ne l'est maintenant, bien qu'il soit difficile de la trouver complète.
Mais la collection des auteurs classiques latins, français et italiens, petit in-12, est toujours recherchée et arrive encore dans les ventes à un prix très-élevé.
Composée primitivement d'un petit nombre de volumes, elle a été augmentée de tous ceux dit même format qui portent le nom des Elsevier ; puis on y a joint une foule d'éditions anonymes, mais que l'on croit sorties de leurs presses. Enfin, ces additions successives l'ont fait monter de quatre-vingts volumes à plus de huit cents, parmi lesquels il en est beaucoup d'insignifiants ; d'autres n'ont pour mérite que leur excessive rareté.
Cette considération, plus encore que l'exécution typographique, qui cependant est fort belle, a placé la collection elsévirienne au nombre des curiosités bibliographiques.


Lieux et marques
Tous les Elsevier qui ont exercé l'art de l'imprimerie à Leyde, à Amsterdam, à Utrecht et autres lieux de la Hollande, ne mettaient souvent que cette indication sous la rubrique de la ville : Apud Elzevirios, ou bien Ex officina elzeviriana. Mais quand ils imprimaient des livres à l'usage de l'église romaine, comme le Saint-Siège avait prohibé les éditions données par les protestants, ils y mettaient le nom d'une ville catholique.
La marque typographique prise par Isaac pour l'imprimerie de Leyde, est un arbre (2) autour duquel un cep de vigne entrelace ses rameaux chargés de fruits, et au-dessous de l'arbre un homme debout avec ces mots : Non solus. Cette marque, quoique désignée soirs le nom du solitaire, était l'emblème de l'union fraternelle des Elsevier.
Louis III, imprimeur à Amsterdam, adopta pour marque une Minerve avec l'olivier et cet ancien adage : Ne extra oleas (ne dépassez pas les oliviers, c'est-à-dire les limites indiquées par des oliviers plantés à l'extrémité du stade où les Grecs s'exerçaient à la course).
La marque des ouvrages auxquels les Elsevier ne voulaient pas mettre leur nom était une sphère.
La famille des Elsevier existe encore en Hollande, où plusieurs de ses membres ont rempli des fonctions publiques ; mais on n'en trouve plus parmi les imprimeurs. M. Elsevier Stockmans, libraire à Amsterdam, en descend par les femmes.


NOTES
(1) Nous suivons la généalogie établie par M. Charles Pieters, dans ses
Annales de l'imprimerie elsévirienne (Gand, 1852, in-8°). D'après les biographes antérieurs, Bonaventure serait le fils, et non le père, de Mathieu
(2) Else, en hollandais, veut dire aune ; vuur signifie feu. C'est pour faire allusion à ces deux racines étymologiques de leur nom que les Elsevier ont représenté sur le frontispice des éditions de la Sagesse de Charon, (les Mémoires de Comines et de quelques autres un petit bûcher enflammé. Il parait que leur nom s'écrivait primitivement Helschevier (feu d'enfer), et que Louis Ier le transforma en Elsevier (feu d'aune).

 

 

 

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