Les Elsevier, imprimeurs
hollandais du XVIIe siècle, se sont rendus célèbres
par la beauté des éditions qu'ils ont publiées
et qui sont encore recherchées et payées fort cher par
les amateurs.
Leur véritable nom était Elsevier ou Elzevier, comme
on le lit en tête de la plupart de leurs éditions françaises
; mais, dans les éditions latines, suivant la méthode
usitée à cette époque, ils le latinisaient et l'écrivaient
Elzevirius ; de là vient qu'on les a longtemps appelés
et qu'on les appelle encore quelquefois Elzevir.
Louis Ier
Elsevier (1540-1617)
Louis Ier Elsevier
est celui qui ouvre la carrière où ses descendants devaient
acquérir une si grande renommée. Il ne paraît pas
néanmoins avoir exercé la profession d'imprimeur.
Né à Louvain, vers 1540, il y fut relieur, et alla, en
1580, s'établir libraire à Leyde : mais il avait des boutiques
ou des correspondants à Francfort, à Dordrecht, à
Paris, etc. ; car son nom se lit sur des ouvrages imprimés dans
ces villes.
Il adopta pour marque typographique un aigle sur un cippe, tenant dans
ses griffes un faisceau de sept flèches, avec cette devise autour
: Concordia res parvae crescunt (les petites choses s'accroissent
par la concorde). C'étaient les armes des provinces unies de
la Hollande, qui venaient de se soustraire à la domination de.
l'Espagne.
Quant au blason nobiliaire dont quelques Elsevier ont fait usage, c'était,
dit-on, celui d'une famille française De Verbois ou De Verdun,
à laquelle appartenait Mayke Duverdyn, femme de Louis Elsevier.
Des sept fils de Louis, qui mourut le 4 février 1617, cinq suivirent
la profession de leur père : Matthys ou Mathieu, Louis II, Gilles
(Aegidius), Joost (Josse ou Juste), Bonaventure (1).
- Mathieu, mort le 6 décembre 1640, laisse trois fils : Abraham,
Isaac et Jacob.
Isaac, second fils (le Mathieu, est le premier des Elsevier qui exerça
la typographie. Il imprima à Leyde, en 1617, in-8° ouvrages
de l'empereur Constantin Porphyrogénète, édité
par Meursius.
Abraham et Bonaventure
Elsevier
Abraham et Bonaventure s'associèrent
comme imprimeurs en 1626, et leur société dura vingt-six
ans, c'est-à-dire jusqu'à leur mort; car Abraham mourut
le 14 août 1652, et son oncle ne lui survécut pas d'une
année.
Ce sont les deux plus célèbres typographes de la famille
des Elsevier ; ils ont imprimé à eux seuls
plus que tous les autres ensemble. Les belles et nombreuses éditions
sorties de leurs presses ont attaché à leur nom une gloire
impérissable. Ils étaient en correspondance avec tous
les savants de cette époque. Balzac leur écrivit une lettre
très-flatteuse à l'occasion de la dédicace qu'ils
lui avaient faite à lui-même d'une édition de ses
oeuvres (1651). Néanmoins, d'autres écrivains célèbres
se sont plaints de leur cupidité : Heinsius, dans une lettre
à Gronovius (1643), les appelle homines avari.
Un reproche plus grave qu'on leur a fait, c'est d'avoir quelquefois
prostitué leurs presses à la reproduction de livres infâmes,
auxquels cependant ils n’osèrent pas joindre leur nom,
tels que les Capricciosi e piacevoli ragionamenti et la
Puttana errante de l'Arétin.
Ils n'avaient ni l'érudition des Alde ni celle des Estienne,
et les impressions grecques et hébraïques de ces derniers
sont bien supérieures à celles des Elsevier, qui ont cependant
imprimé en hébreu l'Apocalypse, avec une version
grecque et une latine, 1627, in-4°, et le Talmud de Babylone,
1630, in-4° ; une Vie de saint Pierre en persan, 1639,
in-4°, et quelques autres ouvrages en langues orientales.
Mais, dans leurs petites éditions in-12, in-16 et in-24, ils
ont porté l'élégance, la finesse et la netteté
des caractères à un degré de perfection qu'aucun
typographe avant eux n'avait encore atteint. Le Novum Testamentum
graecum, 1624, 1633; le Psalterium Davidis, 1635, 1653; Virgilii
opera, 1636 ; Terentii comediae, 1635, et plusieurs autres
livres, ornés de caractères rouges, sont des chefs-d'oeuvre
typographiques.
Respublicae Variae
Les Respublicae variae,
in-24, collection connue sous le nom de Petites Républiques,
et à laquelle les amateurs réunissent beaucoup
d'autres ouvrages politiques et géographiques imprimés
en Hollande dans le même format, a été plus estimée
autrefois qu'elle ne l'est maintenant, bien qu'il soit difficile de
la trouver complète.
Mais la collection des auteurs classiques latins, français et
italiens, petit in-12, est toujours recherchée et arrive encore
dans les ventes à un prix très-élevé.
Composée primitivement d'un petit nombre de volumes, elle a été
augmentée de tous ceux dit même format qui portent le nom
des Elsevier ; puis on y a joint une foule d'éditions anonymes,
mais que l'on croit sorties de leurs presses. Enfin, ces additions successives
l'ont fait monter de quatre-vingts volumes à plus de huit cents,
parmi lesquels il en est beaucoup d'insignifiants ; d'autres n'ont pour
mérite que leur excessive rareté.
Cette considération, plus encore que l'exécution typographique,
qui cependant est fort belle, a placé la collection elsévirienne
au nombre des curiosités bibliographiques.
Lieux et marques
Tous les Elsevier qui ont
exercé l'art de l'imprimerie à Leyde, à Amsterdam,
à Utrecht et autres lieux de la Hollande, ne mettaient souvent
que cette indication sous la rubrique de la ville : Apud Elzevirios,
ou bien Ex officina elzeviriana. Mais quand ils imprimaient
des livres à l'usage de l'église romaine, comme le Saint-Siège
avait prohibé les éditions données par les protestants,
ils y mettaient le nom d'une ville catholique.
La marque typographique prise par Isaac pour l'imprimerie de Leyde,
est un arbre (2) autour duquel un cep de
vigne entrelace ses rameaux chargés de fruits, et au-dessous
de l'arbre un homme debout avec ces mots : Non solus. Cette marque,
quoique désignée soirs le nom du solitaire, était
l'emblème de l'union fraternelle des Elsevier.
Louis III, imprimeur à Amsterdam, adopta pour marque une Minerve
avec l'olivier et cet ancien adage : Ne extra oleas (ne dépassez
pas les oliviers, c'est-à-dire les limites indiquées par
des oliviers plantés à l'extrémité du stade
où les Grecs s'exerçaient à la course).
La marque des ouvrages auxquels les Elsevier ne voulaient pas mettre
leur nom était une sphère.
La famille des Elsevier existe encore en Hollande, où plusieurs
de ses membres ont rempli des fonctions publiques ; mais on n'en trouve
plus parmi les imprimeurs. M. Elsevier Stockmans, libraire à
Amsterdam, en descend par les femmes.
NOTES
(1) Nous suivons la généalogie établie par M. Charles
Pieters, dans ses Annales
de l'imprimerie elsévirienne (Gand, 1852, in-8°). D'après
les biographes antérieurs, Bonaventure serait le fils, et non
le père, de Mathieu
(2) Else, en hollandais, veut dire aune ; vuur signifie
feu. C'est pour faire allusion à ces deux racines étymologiques
de leur nom que les Elsevier ont représenté sur le frontispice
des éditions de la Sagesse de Charon, (les Mémoires
de Comines et de quelques autres un petit bûcher enflammé.
Il parait que leur nom s'écrivait primitivement Helschevier
(feu d'enfer), et que Louis Ier le transforma en Elsevier (feu
d'aune).
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