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P. Lacroix, E. Fournier et F. Seré, Histoire de l'imprimerie

Nicolas Jenson


Au premier bruit de la fameuse découverte, c'est-à-dire sur la fin de 1461 ou au commencement de 1462, il s'était ému et tout d'abord avait eu la pensée de naturaliser en France une invention qui, multipliant à l'infini les Bibles, les Speculum et autres livres pieux, pouvait si bien servir à ses pratiques dévotes et l'aider à gagner des indulgences. Toujours astucieux, même dans ses résolutions les plus sages et les plus avouables, il avisa au moyen de dérober leur secret aux typographes de Mayence, et de faire connaître en France cette industrie ainsi clandestinement surprise. C'est Nicolas Jenson, graveur habile et directeur de la Monnaie de Tours, qu'il chargea de cette délicate et difficile mission. Il l'envoya à Mayence « pour s'informer secrètement, dit un vieil auteur, de la taille des poinçons et caractères au moyen desquels se pouvaient multiplier, par impression, les plus rares manuscrits, et pour en enlever subtilement l'invention. » Mais Jenson ne fit pas jouir la France du bénéfice de son voyage et de l'art auquel il était allé s'initier. Peu soucieux de venir se remettre aux mains d'un maître dont il connaissait les défiances, et qui, ainsi qu'il le craignait peutêtre avec raison, l'eût tenu séquestré dans quelque geôle du Plessis-lez-Tours, pour accaparer le merveilleux secret ; Jenson, au lieu de repasser nos frontières, prit le chemin de l'Italie. En 1469, nous le trouvons établi à Venise, appliqué surtout à la gravure des caractères et la perfectionnant. C'est lui, le premier, qui, trouvant les lettres gothiques trop pesantes, songea à leur substituer le caractère appelé romain. Les capitales latines lui servirent à composer les majuscules ; puis, en combinant ensemble les formes presque identiques des lettres latines, espagnoles, lombardes, saxonnes et françaises, il obtint la série des minuscules de son nouvel alphabet. De 1470, année de l'apparition des Epîtres de Cicéron, le premier livre qui soit dû à ses presses, jusqu'en 1481.
Jenson édita plus de cent cinquante ouvrages, la plupart in-folio.

 

 

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