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a déjà donné au public une édition de la
première partie de cet ouvrage composé par Léon
de Modène, le rabbin de Venise à la prière de quelques
chrétiens curieux de connaître, les coutumes et les cérémonies
des juifs d'aujourd'hui. Monsieur Gassarel l'a fait imprimer à
Paris en 1637 & l'envoya à l'auteur, qui y ayant trouvé
une infinité de fautes, les corrigea, et résolut d'en
donner une seconde édition plus exacte que la première.
Ce qu'il fit l'année suivante à Venise ; et que c'est
principalement de cette dernière édition dont on s'est
servi, au plus tôt on les a prises toutes deux pour en composer
cette traduction. La différence est assez grande de ces deux
impressions ; car l'auteur a retranché diverses choses de la
première, et quelquefois même des chapitres entiers, et
il en a ajouté d'autres, qui n'avaient point encore été
vus. Mais à dire le vrai, on a presque suivi en tout la seconde
impression qui est plus exacte, et plus correcte que l'autre. On a seulement
eu recours à la première, pour la traduction des passages
de l'écriture, qui sont cités dans cette seconde édition,
selon la Vulgate, n'étant pas à propos de soumettre un
rabbin au décret du concile de Trente.
Buxtorf a donné le premier aux chrétiens la connaissance
des coutumes et des cérémonies des juifs d'aujourd'hui.
Son livre qu'il intitula, la synagogue des juifs, fut imprimé
en allemand, qui était sa langue maternelle, en l'année
1603. et il fut si bien reçu, mêmes des savants, qu'il
fut aussitôt traduit en latin, et donné l'année
d'après au public. Buxtorf le fils n'étant pas content
de la version latine qu'on avait fait de l'ouvrage de son père,
en fit une nouvelle, où il changea beaucoup de choses, qu'il
mit sous la presse en 1641 et vingt ans après réimprima
ce même livre beaucoup plus ample qu'il n'était auparavant.
Il y inséra une partie du travail de Léon de Modène
; et on voit même qu'il affecta d'imiter l'ordre de ce rabbin,
pour ôter la confusion qui régnait auparavant dans son
ouvrage, parce qu'il avait renfermé trop de matières sous
un seul titre. Mais il eut mieux fait d'abréger son livre, que
de l'augmenter, imitant notre juif, qui se contente de traiter les matières
approuvées, sans s'égarer dans des digressions, ou dans
des disputes, et encore moins dans des minuties, évitant également
de donner des dogmes, et de débiter des allégories et
des absurdités.
Tout ce que Buxtorf donc a donné de bon dans un gros volume,
se trouve ici dans un petit livre, où il n'y a rien de superflu
; parce que l'auteur ne s'écarte jamais de son sujet, et qu'il
ne dit précisément que ce qu'il faut dire pour se faire
entendre. Aussi assure-t-on que le propre des italiens est d'avoir de
l'esprit dans la tête pour fondre les matières ; et que
les autres nations n'ont de la force qu'au dos pour s'en charger. Néanmoins
quelque petit que soit cet ouvrage, il renferme beaucoup de choses que
Buxtorf n'a point touchées.
Comme votre rabbin n'a eu dessein que d'être intelligible il s'est
contenté de parler avec netteté, et d'un style concis
; parce qu'il n'est point nécessaire d'être ampoulé
dans une narration. Et pour renchérir sur sa netteté,
on a souvent fait deux ou trois périodes des siennes, et en d'autres
endroits on l'a étendu pour donner plus de jour à son
sens. Son style est quelquefois si négligé, qu'à
moins de savoir les matières dont il traite, il fond serait fort
difficile de l'entendre. C'est ce qui m'a obligé de remettre
plusieurs périodes dans leur ordre naturel, en prenant la pensée
de l'auteur, qui parle un italien de synagogue.
Comme la religion chrétienne tire son origine du judaïsme,
je ne doute point que la lecture de ce petit livre ne serve beaucoup
à l'intelligence du Nouveau Testament, à cause de la conformité
et de la liaison qu'il a avec le vieux. Ce qui ont composé le
nouveau testament étant juifs, il est impossible de l'expliquer
que par rapport au judaïsme. Aussi une partie de nos cérémonies
viennent-elles des juifs. La doctrine et presque la même, et pour
ce qui est des moeurs, le Décalogue est commun entre eux et nous.
Le Purgatoire même que les protestants ne veulent pas voir reconnaître,
est expliqué à la fin de cet ouvrage, aussi bien que la
créance du paradis, de l'enfer, de la résurrection, et
du jour du jugement dernier.
La religion chrétienne a cela encore de commun avec la juive,
que chacun s'appuie sur l'écriture sainte, sur la tradition de
ses pères, sur les coutumes et sur les usages reçus, que
nous appelons dans notre religion, Discipline ecclésiastique.
De plus comme nos docteurs disent souvent, cela est de tradition
apostolique ; les rabbins de même ont toujours dans la bouche
; Halaca le Mosçe mi Sinaï. Cette explication a été
donné à Moïse sur la montagne Sinaï. Il
est vrai que sous le mot de tradition ils débitent souvent des
chimères ; mais ce n'est pas tant que un défaut de la
tradition, que de ceux qui en sont dépositaires.
Pour les prières des juifs elles sont fort pieuses, et sont presque
toutes faites sur un même modèle ; quoi qu'elles aient
été composées en divers temps, et en divers lieux.
Ce n'est presque qu'un tissu de passages de l'écriture, il renferme
les louanges de Dieu ; et il n'y a bien de l'apparence qu'Esdras est
l'auteur d'une partie de ce formulaire de prières, et que les
docteurs qui l'ont suivi n'ont rien fait qu'y ajouter plusieurs choses.
Au premier temps de l'église, nos pères dans leurs Assemblées
chantaient les louanges de Dieu, récitaient des psaumes, et lisaient
les écritures saintes, c'est-à-dire, l'endroit de la loi
et des prophètes, qui convenaient à chaque jour, comme
le font encore les juifs d'aujourd'hui. La lecture de l'évangile
a pris ensuite dans l'église la place de la loi de Moïse
; mais on y a toujours retenu quelque chose du vieux testament, et surtout
des psaumes, comme on le voit à l'introïte même de
la messe, qui n'est qu'un abrégé des psaumes, qui peut-être
au commencement se récitaient tous entiers ; et qu'on ne les
a réduit comme ils sont, que pour avoir plutôt fait.
Ajoutez à cela que les premiers pères de l'Église
révéraient le Sabbat comme le dimanche. Aussi voit-on
que les anciens canons égalent l'un à l'autre, lorsqu'ils
défendent également de jeûner ces deux jours-là.
Célébrez (dit l'ancien livre des constitutions
qui porte le nom de Clément) comme jours de fêtes le
sabbat et le dimanche, parce que l'un est consacré à la
mémoire de la création, et l'autre à la mémoire
de la résurrection. En effet ces deux jours ont été
longtemps en grande considération, est le samedi n'était
à jour d'Assemblée pour les chrétiens, comme le
dimanche ; même on voit encore un reste de cette coutume le jour
du samedi Saint, lors qu'on lit dans nos églises quelques chapitres
de la loi et des prophètes.
On ne saurait assez admirer la modestie et le recueillement intérieur
des juifs, quand ils vont le matin à la prière. Car il
ne leur est point permis de traiter d'aucune affaire, ni même
de rendre aucune visite, ni de saluer qui que ce soit, qu'ils ne se
soient acquittés de ce devoir envers Dieu. Cet usage est très
ancien parmi les juifs, et il nous doit servir à expliquer cette
parole que Jésus dit à ses disciplines, lorsqu'il les
envoya prêcher les évangiles. Ne saluez personnes par
le chemin. Luc. 10. v.4.
Si on examine bien lors trop des prières juives et leurs rubriques,
on trouvera qu'elles diffèrent peu des nôtres. Ils ont
la prières du matin, celle d'après dîner, et celle
du soir. S'ils ne se servent point des termes d'office double, semi-double,
et simple, ils ne laissent pas d'avoir de différents offices.
Ils ont le commun et le propre comme nous. Ils ont aussi leurs commémorations,
Qu'on verra en l'endroit où ils traitent de leurs fêtes.
Enfin comme nous avons l'usage romain, celui de l'église gallicane,
et autres ; ils entrent aussi d'usage des synagogues espagnoles, allemandes,
italiennes, etc...
La description que notre auteur fait des Tephilin, dont ils se servent
dans la prière, nous apprend ce que c'était que les phylactères
dont il est parlé dans l'évangile, et que la plupart de
nos interprètes expliquent assez mal. Je ne sais entre autres
ce qu'a voulu dire le P. Amelote de l=oeuvre de l'Oratoire dans ses
notes françaises sur sa version du nouveau testament, lorsqu'il
prétend que les Tephilin et le taled sont des ornements juifs,
dont le maître de la maison se revêtait pour manger l'agneau
de Pâques et d'une façon plus auguste. Il s'est trompé
en suivant en cela Genebrard, qui pour appuyer cette opinion, citent
Orah Haiim, et cependant dans l'endroit même qu'il cite
de ce livre, il n'est point fait mention d'aucun des ornements sacrés,
qui fût nécessaire à la célébration
de la Pâque ; mais seulement d'un habit à quatre pans,
que les juifs étaient obligés de porter alors, et dont
ils se dispensent aujourd'hui, pour ne point passer pour ridicules,
se contentant de porter sous leur habit un morceau d'étoffe carré
avec quatre houppes ou cordons effilés par le bout.
Sur ce faux principe plusieurs ont établi l'usage des ornements
sacrés dans la célébration des mystères
; et on prétend faire voir encore aujourd'hui les chasubles de
quelques apôtres. Mais les plus sages et les plus savants écrivains
n'en sont pas persuadés, et je suis surpris que le cardinal Bona
se soit si fort emporté contre Nicolas Allemanius, parce qu'il
soutient que les apôtres n'ont point eut l'usage des habits sacrés,
et qu'il traite tout ce qu'on en dit de fabuleux, et de ridicule. Ce
cardinal appuie ce qu'il avance sur Baronius, de Monchi, Stapleton,
du Saussay, et autres, qui croit que notre seigneur fit la Cène
en habits sacrés et de Cérémonie ; au lieu que
le cardinal Bona dit simplement qu'il n'y a eu que les apôtres,
qui aient célébré les mystères en habit
cérémoniaux ; mais que pour Jésus Christ il institua
ce Sacrement, n'ayant que ses habits ordinaires. Cependant l'un n'a
pas plus de fondement que l'autre, et Walafride Strabon a eu raison
de dire, que dans la primitive église, on disait la messe
en habit ordinaire, non pas à cause de la raison qu'en donne
Joseph le Vicomte, qu'en ce temps-là l'Église ne pouvait
faire dépense d'habits riches, et propres à ces cérémonies
: mais parce que les premiers chrétiens, qui la plupart avaient
été juifs, célébraient les mystères
dans les assemblées avec les mêmes habits, qu'ils avaient
portés dans la synagogue. Je ne doute point non plus que les
chapes, que nos prêtres portent, ne soient venus des manteaux
que des juifs étaient obligées de porter, ou des robes
des Romains, ou de tous les deux ensemble. Car apparemment les uns et
les autres en quittant leur Religion pour embrasser le Christianisme,
gardaient leurs habits. A quoi l'on peut ajouter qu'anciennement on
disait la messe avec des chapes, et que les Orientaux pour officier,
les préfèrent encore aujourd'hui à nos chasubles
: mais comme on les a trouvées embarrassantes, on les a coupées
par bas, et fendue par les côtés.
Ce qui est plus commode et de moindre dépense. De la même
manière l'aube est venue de la tunique des Romains, qu'on a accourcie
et élargie pour en faire nos surplis. Il n'y avait donc point
en ce temps-là de différence entre les vêtements
de cérémonie, et ce dont on se vêtait d'ordinaire,
et il n'y a que le temps qui ait causé cette diversité
; les gens du monde ont changé de mode, et les ecclésiastiques
ont toujours gardé leur façon de se vêtir. Or comme
ils gardaient les meilleurs pour célébrer les mystères
; et que petit-à-petit l'Église a eu de grands biens,
et ensuite des temples somptueux, il est arrivé que l'on a fait
des habits riches et superbes.
Ce grand nombre de bénédictions et d'actions de grâce,
que les juifs ont accoutumé d'employer au commencement et à
la fin de toutes leurs actions, sert beaucoup à faire entendre
quantité de passages de Saint Paul, où il parle de louanges
et des remerciements que nous devons faire incessamment à Dieu.
* Si j'ai participé, dit-il, avec action de grâce, pourquoi
suis-je blâmé de ce que je rends grâce. Soit donc
que vous mangiez, que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre
autre chose, faites toujours chose à la gloire de Dieu. Je
n'entends point parler ici des bénédictions, et des actions
de grâce particulières, qui sont dans le dixième
Chapitre de la première aux Corinthiens sur le sujet de l'Eucharistie,
quoi qu'on les explique très bien par les bénédictions,
les actions de grâce des Juifs dans la célébration
de leur Pâque. Il y encore beaucoup d'autres choses de cette nature
qui ne se peuvent bien expliquer que par l'usage et la coutume des Juifs.
Dans le formulaire des prières juives, il y en a une qui le sont
en public pour les princes, dont ils sont sujet. Elle contient plusieurs
articles, et à la fin de chacun le peuple dit Amen. Pour
témoigner en cela leur zèle, ils la récitent en
embrassant le livre de la Loi. Cependant il semble ; que ce qu'ils demandent
à Dieu pour leurs princes, ne soit que pour l'avantage particulier,
qui en doit revenir à la Nation Juive. Que le Roi des Rois,
disent-ils, conserve par sa miséricorde de notre prince, qu'il
le porte à faire du bien à tous les Israélites,
et que sous son règne Juda soit sauvé, qu'Israël
soit en assurance, et que le Libérateur vienne en Sion.
Je ne sais si on ne pourrait point conclure de cette prière,
que saint Paul, qui avait été si bien instruit dans la
synagogue, a pris de là occasion d'enseigner aux premiers Chrétiens
de prier Dieu pour les Rois et pour les Princes de la terre. Quoi qu'il
en soit, on ne peut pas condamner ce grande nombre de bénédictions
juives pour une infinité de choses ; puis que les églises
chrétiennes d'Orient et d'Occident n'en ont guère moins
dans l'heure Euchologues et leurs Rituels. Aussi toutes les bénédictions
qui se font à l'honneur de Dieu sans superstition sont toujours
bonnes.
J'ai dit sans superstition, parce qu'on accuse les Juifs d'abuser avec
des bénédictions du nom de Dieu, et de celui des Anges,
dans l'espérance de se les rendre plus familier par une espèce
de Magie, et cela fondé sur l'imagination qu'ils ont, que les
patriarches avaient des Anges, qui leur tenaient lieu de maîtres
et de guides. Mais notre rabbin et si éloigné de cette
pensée, qu'il condamne ici la magie conformément à
à la Bible et au Talmud.
On voit même par le 5. article de leur créance, qu'ils
défendent le culte des Anges, lorsqu'ils disent, qu'il ne
les faut point adorer, ni servir comme médiateurs ou intercesseurs.
Les juifs toutefois respectent et honorent fort les Anges, et on voit
dans notre auteur, que lorsqu'ils allaient autrefois à leurs
nécessités en des lieux où ils pouvaient être
en danger, ils réclamaient leurs Anges gardiens. Et cette invocation
se trouve encore dans leurs livres en ces termes : * soyez honorés
vénérables et saints ministres de Dieu. Conservez-moi,
conservez-moi. Assistez-moi, assistez-moi. Il y a même encore
des Juifs dévots qui font cette prière, fondés
sur ce passage :Il a commandé parlant de vous à ses Anges,
qu'ils vous gardassent dans toutes vos voies. Au reste la créance
des Anges Gardiens était établie dans la Synagogue du
temps de notre Seigneur, comme elle l'est aujourd'hui dans l'Eglise.
Il faut pourtant avouer, qu'il y a des Juifs qui abusent du nom de Dieu
et des anges dans la vue de faire des choses surnaturelles, couvrant
cette mauvaise pratique du nom spécieux de Cabbale, pour persuader
qu'ils ne font rien en cela, que suivre la tradition de leurs pères.
En effet sous ce mot de tradition ils imposent aux plus simples d'entre
eux, et même à quelques chrétiens, qui se laissent
aller à ces rêveries et cabbalistiques de, qui sont tous
les fondements de la Magie. Mais ce qui est plus étonnant, c'est
que Reuclin, qui était un des plus savants hommes du dernier
siècle, se soit amusée a écrire sur cette matière.
Les extravagances même du comte Gabalis, qui ont paru depuis peu,
n'ont pas été désagréables a bien du monde,
tant il est vrai, que l'on est naturellement porté à la
superstition. La Cabbale à mon avis tire son origine de la philosophie
du Pythagore et de Platon, que quelques juifs ont compilée avec
le Judaïsme, répandant sur le tout une infinité de
rêveries nées de l'oisiveté et de la superstition
; comme cela se voit dans les livres d'Adam, d'Enoch, de Salomon, et
de beaucoup d'autres, auxquels notre auteur, ni pas un Juif, ni aucun
Chrétien de bon sens n'ajoutent foi.
Les Juifs n'excellent pas seulement en prières, mais encore en
charité : et il semble qu'on voit éclater dans la compassion
qu'ils ont pour les pauvres, l'image de la charité des premiers
Chrétiens pour leurs frères : on suivait alors en cela
ce qui se pratiquait dans les synagogues, et dont les Juifs ont retenu
la pratique et l'usage ; au lieu que présentement nous en conservons
à peine le souvenir. Je ne parlerai point ici de leurs disciplines
qui est fort régulière, comme on le verra dans le chapitre
de l'excommunication, et de la pénitence : mais je ferai remarquer
seulement en passant que les Juifs ne tâchent pas seulement de
satisfaire à Dieu par une contrition et une pénitence
intérieure ; mais encore par une extérieure. Et qu'ils
ont pour cela leurs livres pénitentiaux, comme il y en avait
autrefois dans l'Eglise, et peut-être à leur imitation.
Il est certain qu'ils imposent de rudes châtiment à ceux
qui sont tombés dans de grandes fautes. Mais cela s'exécute
en secret ; parce que les princes de qui ils dépendent ne leur
permettent pas.
... à suivre
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