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Alfred de Larzes, Choix d'improvisations poétiques, 1872 | 1 | 2 | 3

ÉCHELLE POÉTIQUE.
Cet exercice consiste à descendre, puis à remonter les mêmes
rimes sur deux sujets différents.
Éloge de l’Eau.
(ÉCHELLE DESCENDUE.)


C’est l’eau qui donne au lis sa riante 

COULEUR;

C’est pour tous et partout une utile

LIQUEUR;

Elle sert au pompier pour éteindre la 

BRAISE,

Au bon cultivateur pour arroser la

FRAISE;

Elle sert au gourmand pour faire son

BOUILLON,

Au vieillard, pour blanchir son

BONNET DE COTON.

Grâce à l’eau, pour dîner, le poisson nous

ARRIVE;

Sans eau, point de vapeur, point de

LOCOMOTIVE.

L’eau fait pousser la vigne, et c’est un fait

CERTAIN

Que l’ivrogne, sans eau, serait privé de

VIN.

 

Éloge du vin.
(ÉCHELLE REMONTÉE.)
  

Assez d’eau comme ça ! je vais chanter le

VIN !

Un chacun le préfère à l’eau, j’en suis

CERTAIN.

Pour moi, je l’aime fort ! Par la

LOCOMOTIVE

Chaque mois, de Bordeaux, un vieux tonneau m’

ARRIVE.

De pampre couronnant mon

BONNET DE COTON.

Chaque jour de Bacchus je fête le

BOUILLON.

Le vin donne à mon nez le carmin de la

FRAISE.

Bacchus ! toi qui me rends le cœur chaud comme

BRAISE,

Fais que, jusqu’à cent ans, ta divine

LIQUEUR

De ma face vermeille augmente la

COULEUR.

 
  Vienne, octobre 1869

MONORIME.

  Le siège de Paris

Au grand char de Paris un grand malheur s’ 

ATTELLE.

La faim le persécute et l’obus le 

BOSSELLE ;

Le Prussien, à grands coups de bombes, le 

BOURRELLE ;

Là-bas le canon tonne et le rempart 

CHANCELLE,

Là-bas la bombe chante, et cette

PÉRONNELLE

Ne chante pas, hélas ! si bien que

PHILOMÈLE.

Bismarck fait aux canons danser la 

PASTOURELLE,

Et Guillaume, rêvant quelque grand 

PARALLÈLE,

Se croit un Alexandre et cherche un 

PRAXITÈLE.

O terreur ! dans la cour, la rue et les

RUELLES,

Des bombes, des obus les horribles 

PARCELLES

Font sauter les maisons comme des

SAUTERELLES,

Et la Mort sur Paris étend ses noires

AILES.

   
Bruges (Collège Saint-Louis), janvier 1872
 


SONNET EN BOUTS-RIMÉS.

Invitation à Dîner.
 

Très-cher, mon cuisinier, un garçon plein d’

ADRESSE,

A surpasser Vatel s’exerce en ce 

MOMENT ;

A la broche, un gigot lui cause un grand 

TOURMENT ;

Devant un bon brasier il tourne avec 

PARESSE.

Après un bon dîner, on marche plus 

GAÎMENT ;

Après un bon dîner, le vieillard se 

REDRESSE :

Viens donc chez moi, ce soir, gourmand plein de 

TENDRESSE,

Du gigot en question déguster un 

FRAGMENT.

La Nature pour nous ne fut jamais 

INGRATE !

Elle sait, nous traitant en mère 

DÉLICATE,

Pour des goûts différents varier les 

MORCEAUX.

Un dîner plaît à tous, aux soldats, aux 

PIRATES.

Un dîner, chez les rois et chez les 

DÉMOCRATES,

De la sainte amitié resserre les 

ANNEAUX.

   

Collège de Courtrai, février 1872

 




AUTRE SONNET.
( Sujet fixé : La Géométrie. )

 

Je suis prêt à jeter la plume et le

CRAYON,

Plus interdit, hélas ! qu’un âne sous la 

SANGLE,

J’aimerais mieux tresser des mèches de 

LAMPION

Qu’improviser ici sur le cercle et sur l’ 

ANGLE.

Car, malgré l’incidence et la

RÉFLEXION,

Je me perds au milieu d’un triangle

RECTANGLE

En appelant du ciel quelque petit 

RAYON

Un problème m’étouffe et la corde m’

ÉTRANGLE !

Grand Dieu ! faire en rimant l’éloge du 

CARRÉ !

Je suis prêt à crier plutôt : 

“ MISERERE !”

Quel sujet effrayant pour ma tremblante

MUSE !

Quand bien même j’aurais Apollon pour

PARRAIN,

Pourrais-je vous trouver quelque joli 

REFRAIN

Sur la circonférence et sur l’ 

HYPOTHÉNUSE ?

   
Montmorillon, 1865



LES QUATRE SAISONS.

Les rimes suivantes : Bois, fois - avide, vide - bleu, feu - bouche, souche,
devaient être rattachées successivement à quatre thèmes différents.
LES SAISONS furent choisies comme sujet de ces bouts-rimés.

Le Printemps.
  

Des chansons dans les prés et des nids dans les 

BOIS !

Tous les petits oiseaux gazouillent à la

FOIS,

Pendant que le vautour le suit d’un œil

AVIDE.

L’écolier pour les jeux a quitté son O-

VIDE,

L’écolier tapageur au front rose, à l’oeil 

BLEU.

Le poète est rêveur, et ses accents de

FEU,

Comme des flots de miel, jaillissent de sa

BOUCHE.

Tandis que le Printemps fleurit la verte

SOUCHE.

 

L’Été.
  

J’aime, un beau soir d’Été, la fraîcheur des grands

BOIS !

Alors, dans l’ombre assis, je crois ouïr par- 

FOIS

Des chants mélodieux bercer mon âme 

AVIDE.

Les moutons dans les prés bêlent : l’étable est 

VIDE.

La femme du gourmand a mis son cordon

BLEU

Et, pour les fins soupers, elle allume son 

FEU,

Pendant que le mari (l’eau m’en vient à la

BOUCHE)

Monde les champignons, à l’ombre d’une 

SOUCHE.

 

L’Automne.
 
  

L’Automne a ramené la chasse dans les

BOIS :

Le cerf rapide, en vain poursuivi bien des 

FOIS,

Dans l’ombre du fourré fuit le chasseur 

AVIDE.

Le joyeux vendangeur emplit le tonneau 

VIDE ;

Penché sur le pressoir humide, il dit : Mor-

BLEU !

Ce nectar est divin, quelle couleur ! quel 

FEU !

Ma foi, je veux bénir, la bouteille à la

BOUCHE,

Le Dieu qui fait jaillir un tel jus de la 

SOUCHE.



L’Hiver.
 
 

Le souffle de l’Hiver a défeuillé les 

BOIS.

L’aïeul dit aux enfants les contes d’autre- 

FOIS,

Souvenirs du vieux temps dont l’enfance est

AVIDE,

Tandis qu’en souriant la grand-mère dé- 

VIDE

Son rouet : les frimas ont voilé le ciel 

BLEU ;

Mais ils sont si gaîment, en cercle au coin du 

FEU,

Qu’ils croient tous voir encor, le sourire à la 

BOUCHE,

Les rayons du soleil quand pétille la 

SOUCHE.

   
Château de Persac (Vienne), 1865

 

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