C’est l’eau qui donne au lis sa riante |
COULEUR; |
C’est pour tous et partout une utile |
LIQUEUR; |
Elle sert au pompier pour éteindre la |
BRAISE, |
Au bon cultivateur pour arroser la |
FRAISE; |
Elle sert au gourmand pour faire son |
BOUILLON, |
Au vieillard, pour blanchir son |
BONNET DE COTON. |
Grâce à l’eau, pour dîner, le poisson nous |
ARRIVE; |
Sans eau, point de vapeur, point de |
LOCOMOTIVE. |
L’eau fait pousser la vigne, et c’est un fait |
CERTAIN |
Que l’ivrogne, sans eau, serait privé de |
VIN. |
Éloge du vin.
(ÉCHELLE REMONTÉE.)
Assez d’eau comme ça ! je vais chanter le
VIN !
Un chacun le préfère à l’eau, j’en suis
CERTAIN.
Pour moi, je l’aime fort ! Par la
LOCOMOTIVE
Chaque mois, de Bordeaux, un vieux tonneau m’
ARRIVE.
De pampre couronnant mon
BONNET DE COTON.
Chaque jour de Bacchus je fête le
BOUILLON.
Le vin donne à mon nez le carmin de la
FRAISE.
Bacchus ! toi qui me rends le cœur chaud comme
BRAISE,
Fais que, jusqu’à cent ans, ta divine
LIQUEUR
De ma face vermeille augmente la
COULEUR.
Vienne, octobre 1869
MONORIME.
Le siège de Paris
Au grand char de Paris un grand malheur s’ |
ATTELLE. |
La faim le persécute et l’obus le |
BOSSELLE ; |
Le Prussien, à grands coups de bombes, le |
BOURRELLE ; |
Là-bas le canon tonne et le rempart |
CHANCELLE, |
Là-bas la bombe chante, et cette |
PÉRONNELLE |
Ne chante pas, hélas ! si bien que |
PHILOMÈLE. |
Bismarck fait aux canons danser la |
PASTOURELLE, |
Et Guillaume, rêvant quelque grand |
PARALLÈLE, |
Se croit un Alexandre et cherche un |
PRAXITÈLE. |
O terreur ! dans la cour, la rue et les |
RUELLES, |
Des bombes, des obus les horribles |
PARCELLES |
Font sauter les maisons comme des |
SAUTERELLES, |
Et la Mort sur Paris étend ses noires |
AILES. |
Bruges (Collège Saint-Louis), janvier 1872 |
SONNET EN BOUTS-RIMÉS.
Très-cher, mon cuisinier, un garçon plein d’ |
ADRESSE, |
A surpasser Vatel s’exerce en ce |
MOMENT ; |
A la broche, un gigot lui cause un grand |
TOURMENT ; |
Devant un bon brasier il tourne avec |
PARESSE. |
|
|
Après un bon dîner, on marche plus |
GAÎMENT ; |
Après un bon dîner, le vieillard se |
REDRESSE : |
Viens donc chez moi, ce soir, gourmand plein de |
TENDRESSE, |
Du gigot en question déguster un |
FRAGMENT. |
|
|
La Nature pour nous ne fut jamais |
INGRATE ! |
Elle sait, nous traitant en mère |
DÉLICATE, |
Pour des goûts différents varier les |
MORCEAUX. |
|
|
Un dîner plaît à tous, aux soldats, aux |
PIRATES. |
Un dîner, chez les rois et chez les |
DÉMOCRATES, |
De la sainte amitié resserre les |
ANNEAUX. |
Collège de Courtrai, février 1872 |
AUTRE SONNET.
( Sujet fixé : La Géométrie. )
Je suis prêt à jeter la plume et le |
CRAYON, |
Plus interdit, hélas ! qu’un âne sous la |
SANGLE, |
J’aimerais mieux tresser des mèches de |
LAMPION |
Qu’improviser ici sur le cercle et sur l’ |
ANGLE. |
|
|
Car, malgré l’incidence et la |
RÉFLEXION, |
Je me perds au milieu d’un triangle |
RECTANGLE |
En appelant du ciel quelque petit |
RAYON |
Un problème m’étouffe et la corde m’ |
ÉTRANGLE ! |
|
|
Grand Dieu ! faire en rimant l’éloge du |
CARRÉ ! |
Je suis prêt à crier plutôt : |
“ MISERERE !” |
Quel sujet effrayant pour ma tremblante |
MUSE ! |
|
|
Quand bien même j’aurais Apollon pour |
PARRAIN, |
Pourrais-je vous trouver quelque joli |
REFRAIN |
Sur la circonférence et sur l’ |
HYPOTHÉNUSE ? |
Montmorillon, 1865 |
LES
QUATRE SAISONS.
Les rimes suivantes : Bois, fois
- avide, vide - bleu, feu - bouche, souche,
devaient être rattachées successivement à quatre thèmes
différents.
LES SAISONS furent choisies comme sujet de ces bouts-rimés.
Des chansons dans les prés et des nids dans les |
BOIS ! |
Tous les petits oiseaux gazouillent à la |
FOIS, |
Pendant que le vautour le suit d’un œil |
AVIDE. |
L’écolier pour les jeux a quitté son O- |
VIDE, |
L’écolier tapageur au front rose, à l’oeil |
BLEU. |
Le poète est rêveur, et ses accents de |
FEU, |
Comme des flots de miel, jaillissent de sa |
BOUCHE. |
Tandis que le Printemps fleurit la verte |
SOUCHE. |
J’aime, un beau soir d’Été, la fraîcheur des grands |
BOIS ! |
Alors, dans l’ombre assis, je crois ouïr par- |
FOIS |
Des chants mélodieux bercer mon âme |
AVIDE. |
Les moutons dans les prés bêlent : l’étable est |
VIDE. |
La femme du gourmand a mis son cordon |
BLEU |
Et, pour les fins soupers, elle allume son |
FEU, |
Pendant que le mari (l’eau m’en vient à la |
BOUCHE) |
Monde les champignons, à l’ombre d’une |
SOUCHE. |
L’Automne a ramené la chasse dans les |
BOIS : |
Le cerf rapide, en vain poursuivi bien des |
FOIS, |
Dans l’ombre du fourré fuit le chasseur |
AVIDE. |
Le joyeux vendangeur emplit le tonneau |
VIDE ; |
Penché sur le pressoir humide, il dit : Mor- |
BLEU ! |
Ce nectar est divin, quelle couleur ! quel |
FEU ! |
Ma foi, je veux bénir, la bouteille à la |
BOUCHE, |
Le Dieu qui fait jaillir un tel jus de la |
SOUCHE. |
L’Hiver.
Le souffle de l’Hiver a défeuillé les |
BOIS. |
L’aïeul dit aux enfants les contes d’autre- |
FOIS, |
Souvenirs du vieux temps dont l’enfance est |
AVIDE, |
Tandis qu’en souriant la grand-mère dé- |
VIDE |
Son rouet : les frimas ont voilé le ciel |
BLEU ; |
Mais ils sont si gaîment, en cercle au coin du |
FEU, |
Qu’ils croient tous voir encor, le sourire à la |
BOUCHE, |
Les rayons du soleil quand pétille la |
SOUCHE. |
Château de Persac (Vienne), 1865 |
© Textes Rares