Julien Marie Lehuërou [1807-1843] fait partie de cette cohorte de jeunes normaliens marqués à partir de 1827 par l’enseignement de Jules Michelet, jeune maître de conférences, et qui se détournent de la philosophie ou des lettres pour consacrer leur vie à défricher les racines de l’histoire de France.
Lehuërou, Julien Marie. [1807-1843].
Né le 23 février 1807, à Kernigouel, commune de Prat [Côtes-du-Nord] ; mort le 9 octobre 1843, près de Nantes.
Oncle de François Marie Luzel [1821-1895] folkloriste de la Bretagne.
ÉTUDES.
Est successivement en pension à Tréguier, élève au collège de Saint-Brieuc, élève au collège royal de Rennes, où il achève ses études secondaires.
1826. ÉCOLE NORMALE.
Ancien élève de l’École normale [recréée en août 1826 sous le nom d’École préparatoire].
Sont reçus cette année, dans la section lettres, par ordre alphabétique : François Anquetil [1809-1895] ; Nicolas Brunet ; Louis Definance ; Alexandre Guerrier ; Louis Marie Jourdain [1807-1872] ; Julien Lehuërou [1807-1843] ; Charles Mallet [1807-1876] ; Joseph Morellet ; Philippe Roux ; Paul Louis Seignette; Louis Tenant de Latour ; Jean Maurice Verdot ; Louis Verney.
Il suit en seconde année les cours d’histoire de Jules Michelet [1798-1874], qui vient d’être nommé maître de conférences d’Histoire [1827-1836].
Lehuërou effectue, selon le nouveau règlement de l’École préparatoire, qui, par rapport à l’École normale a supprimé la troisième année, une scolarité de seulement deux ans.
1828. AGRÉGATION DES LETTRES.
À la sortie de l’École, en 1828, est reçu à l’Agrégation des lettres. Sont reçus, à Paris, cette année, dans l’ordre du classement : Denis-Jean-Théodore Janot dit Destainville, Paul Lorain, Charles Mallet, Joseph-Martin Boistel, Philippe Le Bailly, Jean François Raison, Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire, Julien Marie Lehuërou, Louis Tenant de la Tour, Eugène Géruzez, François Anquetil, Louis Seignette.
LES DEGRÉS DE LA HIÉRARCHIE UNIVERSITAIRE.
Après l’École normale, dont il sort en 1828, agrégé des classes supérieures de lettres, alors que Henri Lefebvre de Vatismenil [1789-1860] est ministre de l’Instruction publique, grand-maître de l’Université dans le ministère Martignac [10 février 1828-8 août 1829], il est attaché au collège royal de Bourbon à la division de la classe élémentaire.
Après 1830, alors que François Guizot [1787-1874] est ministre de l’Instruction publique [11 octobre 1832-10 novembre 1834], est nommé au collège de Saint-Louis et chargé d’une partie de l’enseignement historique.
ENSEIGNANT AU COLLÈGE EN BRETAGNE.
En 1832 Julien Marie Lehuërou est chargé du cours d’histoire au collège de Nantes ; et en 1835 au collège royal de Rennes.
1833. AGRÉGATION D’HISTOIRE ET DE GÉOGRAPHIE.
Entre temps Julien Marie Lehuërou se présente avec succès à l’agrégation d’histoire en septembre 1833. Sont reçus cette année : Pierre Varin, Casimir Gaillardin [déjà agrégé des lettres en 1830], François Haussard, Victor Duruy, Adolphe Delaleau, Julien Marie Lehuërou [déjà agrégé des lettres en 1828].
Cette agrégation d’histoire lui permet d’être nommé au collège royal de Rennes.
1838. DOCTORAT ÈS-LETTRES.
Docteur ès-lettres [Caen, 31 août 1838], avec une thèse historique et littéraire : De l’établissement des Francs dans la Gaule et du gouvernement des premiers Mérovingiens jusqu’à la mort de Brunehaut [Rennes : impr. de J. M. Vatar. In-8, 114 p., 1838].
La thèse latine porte sur Stoica nec non epicurea de Deo et homine doctrina [Caen : In-8, 19 p., 1838].
1838. CRÉATION DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE RENNES.
Par l’ordonnance du 24 avril 1838, une Faculté des lettres, comportant une chaire d’Histoire, est créée dans l’Académie de Rennes alors qu’Achille de Salvandy [1795-1856] est pour la première fois ministre de l’Instruction publique [15 avril 1837-31 mars 1839]. Par la même ordonnance sont créées les Facultés des lettres de Bordeaux, Lyon, Montpellier, Rennes.
La chaire de Rennes est confiée à Pierre Varin [1802-1849], ancien professeur d’histoire de la maison des pages du roi Charles X. Pierre n’est pas normalien mais a été classé premier à l’agrégation d’histoire en 1833, et il vient de soutenir sa thèse d’histoire en 1838. Pierre Varin deviendra doyen de la Faculté de 1839 à 1844, puis conservateur-adjoint de la bibliothèque de l’Arsenal en 1844.
Julien Marie Lehuërou suit son enseignement sur les Sources de l’histoire de France.
1843. RECHERCHES SUR LES ORIGINES CELTIQUES.
Lehuërou publie en 1843 Recherches sur les origines celtiques et sur la première colonisation de la Gaule, de la Bretagne, de l'Irlande et de l'Écosse, qui paraissent dans le tome I du Dictionnaire historique et géographique de Bretagne [Rennes. In-8. 1843] et qui sont publiées aussi en tiré à part [37 p., 1843].
1840. AGRÉGATION D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR.
L’ordonnance de 1840, prise par Victor Cousin [1792-1867], alors qu’il est ministre de l’Instruction publique publique [1er mars 1840-29 octobre 1840] sous le second ministère Thiers, crée des agrégations d’enseignement supérieur pour les Facultés et permet à titre exceptionnel de conférer directement le titre d’agrégé, en récompense de services rendus.
Julien Marie Lehuërou bééficie de cette mesure, pour l’enseignement de l’histoire à la Faculté de Rennes.
1840. PROFESSEUR SUPPLÉANT À LA FACULTÉ DE RENNES.
Pierre Varin, ayant obtenu une disponibilité, Lehuërou est nommé pour quelques mois suppléant dans la chaire d’histoire, alors que François Villemain [1790-1870], qui a succédé à V. Cousin, est pour la deuxième fois ministre de l’Instruction publique dans le troisième cabinet Soult [du 29 octobre 1840 au 18 septembre 1847].
En liaison avec son enseignement Julien Marie Lehuërou publie : Histoire des institutions mérovingiennes et du gouvernement des Mérovingiens jusqu'à l'édit de 615, par M. J.-M. Lehuërou. [Paris : Joubert. In-8, XXIII-524 p., 1842].
Réédité, posthume, en 1844 [Paris : Joubert], avec une Notice sur M. J.-M. Lehuërou, professeur d’histoire au Collège royal de Rennes, Professeur agrégé à la Faculté des Lettres, auteur de l’Histoire des Institutions mérovingiennes et carolingiennes, par M. F. Laferrière, professeur à la Faculté de Droit.
Firmin Laferrière [1798-1861] est alors titulaire de la chaire de Droit administratif à la Faculté de Droit de Rouen.
1840. VACANCE DE LA CHAIRE DE LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.
La chaire de littérature étrangère, créée en 1838, est attribuée au début de 1839 à l’homme de lettres et voyageur Xavier Marmier [1808-1892]. Mais, au bout de quelques mois, un congé sans solde lui ayant été refusé, il démissionne, afin de pouvoir explorer les parages du Pôle Nord. La chaire de littérature étrangère devient vacante. Elle est confiée à l’historien et critique littéraire Charles Labitte [1816-1845].
1843. NOMINATION À LA CHAIRE DE LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.
Charles Labitte, étant choisi pour suppléer Pierre François Tissot, dans sa chaire au collège de France, revient à Paris. De fait, la chaire de Littérature étrangère de Rennes se trouve vacante. Sa suppléance est confiée à Lehuërou.
Il consacre son enseignement à Shakespeare, ainsi qu’à l’Histoire de la Constitution anglaise, depuis l'avènement de Henri VIII jusqu'à la mort de Charles Ier.
Cette partie de l’enseignement est publié, posthume, en 1863 : Histoire de la Constitution anglaise, depuis l'avènement de Henri VIII jusqu'à la mort de Charles Ier, par J.-M. Le Huërou, publiée par F.-M. Luzel et J.-M. Le Huërou et précédée d'une introduction de M. A. de La Borderie [Nantes : V. Forest et E. Grimaud. In-8, VIII-CXXIII-319 p., 1863]. Réédité en 1868.
1843. HISTOIRE DES INSTITUTIONS CAROLINGIENNES.
Histoire des institutions carolingiennes et du gouvernement des Carolingiens, par M. J.-M. Lehuërou, Professeur agrégé à la Faculté des lettres de Rennes, et professeur d’histoire au Collège royal. Paris : Joubert, libraire-éditeur, 14, près de la Sorbonne. Même maison, place Dauphine. In-8, XV [Avant-propos]-627 p., 1843].
Il existe des exemplaires de cet ouvrage portant la date 1842.
1843. INSTITUTIONS MÉROVINGIENNES ET CAROLINGIENNES.
La même année Julien Marie Lehuërou rassemble les deux ouvrages qu’il vient de publier : d’une part les Institutions mérovingiennes, d’autre part les Institutions carolingiennes, comme tome I et tome II : Histoire des Institutions mérovingiennes et carolingiennes . II , Histoire des Institutions carolingiennes et du gouvernement des Carolingiens [Paris : Joubert. 2 tomes in-8, 1843]
OCTOBRE 1843. ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.
Julien Marie Lehuërou est mort au début du mois d’octobre. Cependant, dans la séance du 28 octobre 1843, Charles Giraud [1802-1881], Inspecteur général des Facultés de droit, élu membre titulaire dans la section de Législation depuis le 2 avril 1842, lit à l’Académie des sciences morales et politiques un Rapport sur l’ouvrage de M. Lehuërou, intitulé Histoire des Institutions carolingiennes et du gouvernement des Carolingiens.
Ce Rapport, très élogieux, fait l’objet des Observations de M. Mignet sur l’origine de la féodalité, au sujet du rapport fait par M. Giraud sur l’ouvrage de M. Lehuërou, intitulé Histoire des institutions carolingiennes […]. Pour sa part l’historien François Mignet [1796-1884], secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques depuis mai 1837, critique la thèse selon laquelle la féodalité aurait sa source dans la famille germanique.
Le texte du Rapport et celui des Observations sont publiés dans le Recueil annuel, intitulé : Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques [tome quatrième. 1843, pages 333-343 pour le rapport de Giraud ; pages 344-348 pour les observations de Mignet].
Le rapport de Charles Giraud est repris également dans la Revue de Législation [octobre 1843, tome 2, pages 500 sq.].
DÉCÈS.
Julien Marie Lehuërou, qui est parfois passé par des phases de découragement à propos de sa carrière, malgré ses convictions religieuses affichées, se donne la mort le 9 octobre 1843, en se pendant à un saule.
SOURCE.
Notice sur Julien Marie Lehuërou, par Firmin Laferrière publié en tête de la réédition posthume de 1844 de l’Histoire des institutions mérovingiennes et du gouvernement des Mérovingiens jusqu'à l'édit de 615, par M. J.-M. Lehuërou.