Le 18 octobre 1874, Jules Helleu (1824-1874), normalien de 1843, meurt en son domicile parisien. Professeur de quatrième au lycée Condorcet, où une dizaine d'années plus tôt il était encore élève, on lui doit plusieurs éditions scolaires d'auteurs grecs, latins et français : Aristophane, Lucrèce, Cicéron, Claude Lancelot, Jean de La Bruyère.
C'est en préparant pour ses élèves une matière de composition latine qu'il meurt subitement.
Eugène Manuel [1820-1901], de la promotion 1843, lui consacre, en 1875, une notice nécrologique dans le Bulletin de l'Association des anciens élèves de l'École normale [pages 435 sq.].
Il décrit ainsi ses derniers moments :
« Helleu du moins a goûté toutes les satisfactions qu'on trouve au foyer domestique et dans des occupations honorables. Sous ce toit qui était à lui et où il vivait en famille, dans ce jardin qu'il aimait à cultiver, ou bien durant les vacances, à Avranches et à Granville, entre sa mère, sa femme et son fils, on peut dire qu'il a été vraiment heureux. A la rentrée d'octobre un mal, insignifiant à l'origine, en apparence sans danger, l'empêcha pour la première fois, de reprendre sa classe, mais non de travailler pour elle en vue d'un prochain rétablissement. Le pied malade, étendu sur une chaise longue, il recevait, le matin même de sa mort, la visite de quelques collègues ; il leur parlait avec cette bonne humeur que rien n'altérait, de l'ennui qu'il éprouvait à n'être point à son poste. Après leur départ, il était en train de relire une matière de composition latine, préparée pour ses élèves, lorsqu'il fut subitement frappé à mort et comme foudroyé, au milieu des siens. Il n'était âgé que de 50 ans. Ce fut pour ses collègues, pour ses nombreux amis, pour l'administration universitaire, un coup de douloureuse surprise. M. Legrand, proviseur du lycée Fontanes, par quelques paroles profondément senties, devant la tombe de notre excellent camarade, s'est fait l'interprète ému des communs regrets ; et il n'a manqué à de si justes éloges que d'être moins prématurés ».
DESCRIPTION DE LA MORT ET INDIVIDUALISATION DE LA BIOGRAPHIE.
Les notices nécrologiques consacrées aux anciens élèves de l'École normale fournissent, en plus des indications d'état-civil, des renseignements qui portent sur le cursus universitaire : études, classement, diplômes [agrégation, doctorat] ; postes d'enseignement [en province, à Paris] ; responsabilités administratives [censorat, provisorat, inspection académique, rectorat].
C'est dans ce cadre général que s'inscrit le parcours particulier de chaque ancien.On entre davantage dans l'ordre de l'intime lorsque le biographe évoque, dans les limites convenues, les liens familiaux : relations avec les parents, avec l'épouse, avec les enfants.Mais l'individualisation de la biographie n'atteint son point maximum que lorsque celle-ci s'autorise à la description de la mort. Tout ce qui concerne la carrière aurait pu être vécu de façon presque analogue par tel ou tel ancien élève de l'École. Seul le témoignage porté sur les derniers moments nous donne l'illusion d'accéder à l'intimité concrète de ce sujet là, et pas d'un autre, en ce qu'elle a d'unique et d'irremplaçable.
Tel est le cas, avec cette évocation de Jules [Félix Auguste] Helleu, né le 28 septembre 1824, à Paris.
SOURCE
http://www.textesrares.com/philo19/noticeAuteur.php?nom_aut=Helleu&prenom_aut=%5BJules+F%E9lix%5D+Auguste