Maugras, une philosophie religieuse, monarchique et nationale

C’est dans l’ « Avis » qu’il publie en tête de son Cours de philosophie, édité en 1822, que Jean Baptiste Maugras [1762-1830] brocarde, sans le nommer, le jeune philosophe à la mode, de trente ans : un certain Victor Cousin.
Il se moque de l’importation, « par d’autres », de systèmes philosophiques exotiques [sic]. Et revendique quant à lui la fierté d’exprimer une philosophie religieuse, monarchique et nationale.

UNE PHYSIONOMIE ANGLAISE AVEC DUGALD STEWART.
Selon Jean Baptiste Maugras cette importation donne aux textes de certains [entendons par là Victor Cousin et ses disciples] une physionomie anglaise.

Il s’agit de l’École écossaise, représentée par Dugald Stewart [1753-1828].
On sait que V. Cousin affirmait avoir traduit les Outlines of moral philosophy [Esquisses de philosophie morale] alors qu’il était < agrégé >, comme professeur de philosophie au collège royal de Bourbon [Condorcet], auprès de Jean-Jacques Séverin de Cardaillac [1766-1845], professeur en titre depuis 1811.
Et qu’il avait même, dans l’été 1815, dicté des fragments de sa traduction à ses élèves.

Ces mêmes Esquisses de philosophie morale de Dugald Stewart, dans leur troisième édition anglaise de 1808, auquel Cousin consacre en 1817 une série de quatre articles dans le Journal des savans [janvier 1817, pages 3-12 ; juin 1817, pages 334-342 ; juillet 1817, pages 413-418 ; août 1817, pages 485-493].

UNE PHYSIONOMIE ANGLAISE AVEC THOMAS REID.
La physionomie anglaise c’est aussi, et peut-être encore plus Thomas Reid [1790-1796], dont la traduction en français des Recherches sur l’entendement humain, d’après les principes du sens commun [An Inquiry Into the Human Mind on the Principles of Common Sense, 1764] parue en 1768, en deux volumes à Amsterdam, va servir, peut-être un peu par hasard, de point d’appui à l’enseignement de Pierre Paul Royer-Collard [1763-1845], nommé en 1810, Professeur d’Histoire de la philosophie à la Faculté des Lettres de Paris, dans la chaire laissée libre par Emmanuel Pastoret [1755-1849], premier titulaire, élu au Sénat conservateur le 14 décembre 1809.

Victor Cousin, encore lui, sera le suppléant de Royer-Collard, lorsque ce dernier, nommé par le décret du 15 août 1815 membre de la Commission de l’Instruction publique, abandonnera l’enseignement sans pour autant céder sa chaire. Et Cousin ne manquera pas, dans son cours professé à la Faculté des Lettres de Paris, de se couler respectueusement tout d’abord dans l’enseignement de Royer-Collard.

UNE PHYSIONOMIE ALLEMANDE AVEC KANT.
Victor Cousin, dans le récit < orienté > qu’il fait bien plus tard de son itinéraire intellectuel [dans la Préface de la deuxième édition des Fragmens philosophiques (juin 1833)] déclare que, vers 1815, cherchant des maîtres nouveaux [autres que Thomas Reid, Dugald Stewart, James Beattie], ses yeux « se portèrent naturellement vers l’Allemagne. J’appris donc, dit-il, l’allemand, et me mis à déchiffrer avec des peines infinies les principaux monuments de la philosophie de Kant sans autre secours que la barbare traduction latine de Born. Je vécus ainsi deux années entières, comme enseveli dans les souterrains de la psychologie kantienne ».
Et, dans une livraison de septembre 1818 du Journal des Savans, Victor Cousin préconise : « S’il nous appartenait de proposer des guides, nous indiquerions avec plus de confiance dans l’école même de Smith, Reid et M. Dugald-Stewart, Kant en Allemagne, et chez les anciens, Platon et Marc-Aurèle ».

UNE PHYSIONOMIE ALLEMANDE AVEC HEGEL.
Et puis, surtout, il y a le premier voyage de Cousin en Allemagne fin juillet-mi-novembre 1817, où il rencontre Hegel à Heidelberg.
On connaît le témoignage de Cousin concernant cette rencontre : « Au bout d’une heure il fut à moi comme je fus à lui, et jusqu’au dernier moment notre amitié, plus d’une fois éprouvée, ne s’est pas démentie. Dès la première conversation, je le devinai, je compris toute sa portée, je me sentis en présence d’un homme supérieur ; et quand d’Heidelberg je continuai ma course en Allemagne, je l’annonçai partout, je le prophétisai en quelque sorte ; et à mon retour en France, je dis à mes amis : Messieurs, j’ai vu un homme de génie ». L’enseignement de V. Cousin s’en ressent. Pendant un temps, il donne à ses cours une coloration verbale manifestement hégélienne.

JEAN-BAPTISTE MAUGRAS : ÉLÉMENTS BIOGRAPHIQUES.
Né le 11 juillet 1762, à Fresnes-sur-Arpance [Franche-Comté, diocèse de Besançon ; aujourd’hui département de Haute-Marne] ; mort le 17 février 1830, à Paris [Seine].

PREMIÈRES ÉTUDES.
Jean Baptiste Maugras [1762-1830] fait ses études à Langres, puis à Paris, au Séminaire de Saint-Esprit, installé rue des Postes [l’actuelle rue Lhomond], < séminaire destiné à former des étudiants souhaitant devenir prêtres dans des paroisses pauvres >.

1787
L’ANCIENNE AGRÉGATION DE PHILOSOPHIE.
En 1787°, alors qu’il est dans sa vingt-cinquième année, l’abbé Jean Baptiste Maugras, du diocèse de Besançon, est reçu au concours d’agrégation de l’Université de Paris pour la philosophie [dite agrégation de premier ordre], en même temps que Gervais Michel Jérôme Labitte, du diocèse de Beauvais [qui deviendra imprimeur], et que Nicolas Guillaume Collet, du diocèse de Sées [Alençon].
Il obtient la première place, < à la suite d’une lutte brillante dont le souvenir s’est conservé longtemps dans la mémoire des vieux universitaires ; il avait comme concurrent M. Labitte > [Charles Durozoir. Biographie universelle].

1786-1789
SUPPLÉANT DE PHILOSOPHIE AU COLLÈGE LOUIS-LE-GRAND.
Le 11 juillet 1786, Jean-Baptiste Maugras est nommé professeur suppléant au collège Louis-le-Grand, où il remplace [1786-1789] l’abbé Thomas Henri Royou [1743-1792], déjà célèbre pour ses activités journalistes, qui sera ultérieurement, pendant la Révolution française, fondateur d’un journal ultra royaliste : l’Ami du Roi [1790-1792].

1789-1790
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE AU COLLÈGE MONTAIGU.
A la demande de François Balthazar Curt, tout d’abord professeur de philosophie puis principal, Jean-Baptiste Maugras est nommé professeur de philosophie au collège de Montaigu [1789/1790], situé, à Paris, sur la Montagne Sainte Geneviève, au Quartier latin [sur l’emplacement de l’actuelle Bibliothèque Sainte-Geneviève].
Foné en 1314, c’est l’un des dix collèges parisiens de plein exercice de la Faculté des Arts de l’Université de Paris, c’est à dire assurant toutes les classes, à savoir : Louis-le-Grand ; Collège du Cardinal Lemoine, des Grassins, d’Harcourt, de La Marche, Lisieux, Montaigu, Navarre, du Plessis, des Quatre-Nations. 

1791
PROFESSEUR AU COLLÈGE DE LA MARCHE.
Maugras est chargé d’un cours [extra-ordinaire, public et gratuit] qui vient de se créer en 1790 sur les Éléments du droit naturel et les principes de la morale sociale et de l’économie politique.
Le cours, ouvert de 1791 à août 1792, a lieu au collège de La Marche, collège très réputé.

Le résumé de cet enseignement est publié ultérieurement, en 1795, à partir des cahiers d’un élève, sous le titre : Dissertation sur les principes fondamentaux de l’association humaine, par J. B. Maugras, ex- Professeur de Philosophie en l’Université de Paris.
[A Paris : Chez les Marchands de Nouveautés. In-8, 218 pages, an IV-1795]. Table analytique des matières.

  • https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5461333b/f2.item
    Il y prend position contre le jacobinisme en évoquant « l’horrible turpitude de cette corporation ». Le renversement de la royauté met fin à son enseignement.

1800
PROFESSEUR DANS DES INSTITUTIONS PRIVÉES.
En 1800, reprend un enseignement de philosophie dans plusieurs établissements privés : l’institution Duboys-Loiseau, près de la rue de Babylone, où il enseigne la philosophie morale ; le collège Sainte-Barbe, rue de Reims [dirigée par Victor de Lanneau] ; l’Académie de Législation, Hôtel Labriffe, quai Voltaire, n° 2, où il chargé d’un cours de droit naturel et d’économie publique.

1805
LE PRIX DE PHILOSOPHIE DE L’ACADÉMIE DE BERLIN.
Quelques années plus tard, en 1804, Jean-Baptiste Maugras participe au concours proposé par la classe spéculative de la très prestigieuse Académie de Berlin [Académie des Sciences et Belles-lettres de Prusse].
En effet, l’Académie de Berlin, [dont, dès sa création en 1700, la langue officielle est le français] dans sa séance publique du jeudi 9 août 1804 propose, par l’intermédiaire de ses classes, une série de prix : en mathématiques, en physique, en philosophie.
Il s’agit d’un prix extra-ordinaire provenant pour moitié du legs de mille écus de Milozewski, ancien officier d’infanterie de Köpenick, près de Berlin.

La classe de philosophie, quant à elle, a formulé, pour premier sujet du prix qu’elle doit décerner en 1805, la question suivante : « Déterminer avec précision la nature de l’analyse et de la méthode analytique en philosophie ; rechercher s’il y a des moyens d’en assurer et d’en faciliter l’usage ».
Ce prix, tiré du legs de M. de Milozewski, ancien officier d’infanterie, est comme à l’ordinaire, une médaille d’or du poids de cinquante ducats. Le terme de rigueur est le 1er mai 1805.

Jean-Baptiste Maugras participe au concours. Sept mémoires sont remis. C’est celui de G. S. Franck, recteur du collège d’Husum, dans le duché de Schleswig, alors vassal du Danemark, qui a été couronné.

1806
DISSERTATION SUR L’ANALYSE EN PHILOSOPHIE.
Jean-Baptiste Maugras, quant à lui, publie un an plus tard sa Dissertation sur l’analyse en philosophie.
[Paris : Vve Panckoucke, Gérard, Debray, Le Normant. In-8, XII-181 pages, 1806].

Réédité en 1808 : Dissertation sur l’Analyse en philosophie […], par J.-B. Maugras, Professeur de Philosophie en la Pension Dubois-Loyseau, au collège Sainte-Barbe, et d’Économie publique à l’Académie de Législation. Seconde édition augmentée de quelques Remarques sur le jugement porté par les Journalistes
[A Paris : de l’Imprimerie de D. Colas, Rue du Vieux-Colombier, N° 26, faubourg Saint-Germain. In-8, XX-180 pages, 1808].
Il est à noter que Maine de Biran, participera lui aussi, deux ans plus tard, en 1807, à un concours proposé par la même Académie, mais cette fois sur la question : Y-a-t’il des aperceptions internes immédiates.

1808
VISITE DÉCISIVE.
Alors qu’il enseigne la philosophie au Collège Sainte-Barbe, dirigé par M. Victor de Lanneau [1758-1830] Jean-Baptiste Maugras est visité dans sa classe, en 1808, par Jean-Chrysostome de Villaret [1739-1824], évêque de Casal, qui vient d’être nommé par décret impérial, du 17 mars 1808, Chancelier de l’Université.
Le Chancelier, et sa suite, assistent aux discussions publiques qui concluent l’année scolaire. Dont les programmes imprimés contiennent soigneusement aussi le tableau synoptique de la doctrine de J. B. Maugras.

1808
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE À LOUIS-LE-GRAND.
Selon une tradition flatteuse, à la suite de cette inspection, Jean-Baptiste Maugras se voit offrir la chaire de son choix dans l’un des quatre lycées parisiens de l’époque. Selon l’ordre de l’Almanach : le lycée Impérial [Louis-le-Grand], le lycée Napoléon [Henr-IV], le lycée Bonaparte [Condorcet] ; le lycée Charlemagne.

À sa demande il lui est attribué la chaire de philosophie du lycée Impérial, au moment du rétablissement de l’enseignements de philosophie comme couronnement des autres enseignements littéraires, à la rentrée scolaire de l’année 1808/1809.
Il fait ainsi partie des quatre premiers enseignants titulaires de la chaire de philosophie dans les lycées de la capitale : Jean Baptiste Maugras [1762-1830] pour le lycée Impérial [Louis-le-Grand] ; Charles Fercoc [1764-1841] pour le lycée Napoléon [Henri-IV] ; Desfontaines pour le lycée Bonaparte [Condorcet] ; Charles Millon [1754-1839] pour le lycée Charlemagne.
Jean-Baptiste Maugras est nommé le 1er octobre 1809 ; garde sa fonction lorsqu’en 1814 le lycée impérial redevient collège royal Louis-le-Grand, et reste titulaire de la chaire jusqu’en l’année universitaire 1825/1826.

Prononce, le 14 août 1812, le discours de la distribution des prix, où il se fait le défenseur des Fables de La Fontaine.

En 1819-1824, Jean-Baptiste Maugras est suppléé par son neveu François Maugras [1796-NNN], chargé de cours, puis < agrégé > suppléant.
Et en 1824/1825, Jean-Baptiste Maugras, en congé, est suppléé par Vertueux Bousson [1796-1829], chargé de l’enseignement à Louis-le-Grand jusqu’en août 1826.

1812
THÈSES PHILOSOPHIQUES.
Il publie, dans les premières années de cet enseignement, des Thèses philosophiques [Paris : impr. de Gillé. In-4, 24 pages, 1812].

Il existe aussi sous ce titre, mais avec un éditeur différent, et une pagination différente, des Thèses philosophiques dédiées à Mgr. Jean-Chrysostome de Villaret [Paris : impr. de Fain, 18 pages, sans date].

1822
COURS DE PHILOSOPHIE.
Puis, en 1822 Jean Baptiste Maugras publie la matière de son enseignement sous le titre : Cours de philosophie, rédigé par J. B. Maugras, professeur de philosophie au collège royal de Louis-le-Grand, et membre de la Légion d’Honneur
[À Paris : chez Labitte, libraire, quai Malaquais, n° 11. In-8, 562 p., 1822]. Avis. Table des matières. Errata.

  • https://books.google.fr/books?id=_nIPAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
    Il y critique la philosophie écossaise, jugée  » diffuse et mal fondée ; n’ayant rien de neuf ; n’ayant rien découvert ; tombant dans le néologisme…  » et la philosophie allemande jugée  » superficielle ; frivole et puérile ; rétrograde et pas nouvelle ; ayant de fâcheuses tendances… « .

C’est le texte de l’Avis placé en tête de l’ouvrage que nous publions ci-dessous.

1823
PROFESSEUR SUPPLÉANT DU COURS D’HISTOIRE DE PHILOSOPHIE ANCIENNE.
Enfin, en 1823, est chargé comme professeur suppléant du Cours d’histoire de philosophie ancienne à la Faculté des lettres de Paris [1823-1828], où il supplée Charles Millon [1754-1839] titulaire de la chaire [Charles Millon qui a lui-même succédé à Emmanuel Pastoret, en étant son suppléant, comme professeur-adjoint en mai 1809, puis professeur titulaire en novembre 1811].

Il y enseigne, à raison de deux cours par semaine, les jeudis et samedis, à une heure, en exposant : < les opinions des diverses écoles sur l’origine de nos connaissances, sur le caractère et le fondement des certutudes naturelles, et sur les lois de la preuve philosophique >.

1828
JOUFFROY REMPLACE MAUGRAS.
Son affectation est brutalement suspendue en décembre 1828, et fait l’objet d’une polémique : J. B. Maugras a appris la suppression de sa charge par les journaux.
Il rédige une lettre de protestation qui paraît dans le Journal des Débats [27 décembre 1828]. C. Millon apporte une réponse. C’est Théodore Jouffroy qui remplace J. B. Maugras, T. Jouffroy « un des adeptes les plus distingués de cette école philosophique que Maugras avait combattu toute sa vie » [Michaud].

J. -B. Maugras meurt à la suite d’une brève maladie, en février 1830. Il a eu le temps de terminer le Cours élémentaire de philosophie morale :
Cours de Philosophie. Professé au Collège Louis-le-Grand et dans divers établissements publics de la capitale.
[Paris : Librairie de jurisprudence ancienne et moderne de Edouard Duchemin, 10, rue Cujas, près le Panthéon. In-8, XVI-596 p., s. d.], qui reprend les thèmes de son enseignement de 1791-1792 sur le droit naturel et la morale sociale.

AVIS
Cette partie de notre Cours est livrée à l’impression pour l’usage de notre classe, et pour ménager le temps que nous employons aux dictées journalières. Nos élèves ! voilà notre public, leur utilité ! voilà notre but ; leur estime ! voilà notre récompense. Si quelques personnes du dehors veulent acquérir le droit de nous juger en prenant la peine de nous lire, elles jouiront de toute l’indépendance de leur jugement, car notre doctrine n’est environnée d’aucune des recommandations pompeuses que Locke appelle argumens ad verecundiam ; elle n’est prônée par aucune coterie, elle n’est favorisée par aucune puissance ; elle n’a rien à revendiquer dans les honneurs solennels qui ont été rendus, dans les éloges magnifiques qui ont été prodigués au néologisme tiré de l’étranger ; elle n’a point participé aux privilèges réservés à l’importation des systèmes exotiques ; elle n’a ni la physionomie allemande, ni la physionomie anglaise ; elle a même un air d’antiquité française peu agréable à ceux qui, pleins d’enthousiasme pour le grand dogme de la perfectibilité progressive et continue de l’esprit humain, sont très enclins à mépriser les anciens usages, les anciens maîtres et les anciennes méthodes. Cette prévention, toute fâcheuse qu’elle est, ne nous empêchera pas d’avouer que nous étions professeur dans la ci-devant Université de Paris ; et quand même la défaveur qui s’attache à un pareil aveu ne serait aucunement balancée par l’avantage qu’il nous donne de publier des leçons consignées dans les cahiers de plus de deux mille disciples, nous n’en persisterions pas moins à dire que, parvenus au terme d’une carrière où nous sommes engagés depuis plus de trente-cinq ans, nous nous estimons heureux de pouvoir rendre un compte public de notre gestion, sans avoir besoin de nous rétracter ni de nous contredire.
En 1802, nous avons repris notre enseignement qui avait été interrompu, par force majeure, pendant dix ans, et qui alors était encore banni des écoles du gouvernement. En le rétablissant dans deux grandes institutions de la capitale, nous avons pensé qu’il était expédient, en conservant le fonds de l’ancienne instruction, d’introduire quelques modifications dans le choix des questions et dans la manière de les traiter, afin de mieux approprier nos leçons aux besoins du temps, à l’intérêt, au goût et à la destination civile de ceux qui les suivent aujourd’hui. Si nous nous sommes trompés dans l’exécution de ce dessein, notre erreur ne doit être imputée qu’à nous ; car alors nous avons agi de notre propre mouvement, sans autre guide que notre expérience ; et, depuis cette époque, nous avons persisté dans la même méthode, sans autres encouragemens que ceux que nous avons trouvés dans le zèle, l’affluence, la docilité et les succès de nos élèves.
Si on oubliait que ces leçons sont adressées à nos jeunes auditeurs, on pourrait nous reprocher bien des redondances et des répétitions que nous aurions évitées avec soin dans un traité qui serait fait pour les gens du monde. Au surplus, on pensera ce qu’on voudra de notre talent ; il nous importe seulement qu’on ne se méprenne pas sur nos intentions, et nous trouverons toujours qu’on nous aura rendu assez de justice, si on reconnait que nous avons fait tous nos efforts pour imprimer à notre Cours une physionomie religieuse, monarchique et nationale.

SOURCE.

  • Gustave Dupont-Ferrier. [La Vie quotidienne d’un collège parisien pendant plus de trois cent cinquante ans]. Du collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand [1563-1920]. Tome 3. Page 125. Numéro 240 [Paris : E. de Boccard, éditeur, 1925]. Fournit les dates précises des différentes nominations.
  • Biographie universelle. Notice par Ch. Durozoir, professeur d’histoire au collège de Louis-le-Grand.
  • https://www.google.com.tr/books/edition/Les_premiers_ma%C3%AEtres_de_Victor_Hugo/-4gBEQAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=J.-B.+Maugras&pg=PA486&printsec=frontcover