L'Université impériale prévue dans le projet de loi du 10 mai 1806, se met en place à partir du décret du 17 mars 1808. Parmi les 144 articles, sont précisés les ordres des établissements [Faculté, lycée, collège, etc.], la nature des diplômes [baccalauréat, licence, doctorat], le découpage territorial en Académies [calqué sur l'implantation et le ressort des cours d'Appel].
Le décret de mars 1808 est complété par un autre décret paraissant le 17 septembre.
C'est ce même décret du 17 mars qui nomme Louis de Fontanes [1757-1821], royaliste converti à l'Empire, Grand-Maître de l'Université. Il travaille directement sous les ordres de l'Empereur, et restera en fonction, quelques mois encore après la chute de l'Empire, jusqu'en février 1815.
LES PREMIERS RECTEURS.
C'est également ce décret qui, dans son Titre XII, stipule que chaque Académie sera gouvernée par un recteur sous les ordres immédiats du Grand-Maître qui le nommera pour cinq ans.
La première vague de nomination des recteurs a lieu le 10 mars 1809 [André Alexandre d’Eymar, Clément Joseph Duquesnoy, Pierre Jacotot, Jacques Benoît Pal, Pierre Chaudru de Raynal, Jean Luc Ferry de Saint Constant, etc.], puis une seconde vague le 24 août 1809 [Pierre Robert Alexandre, l'abbé Éloy Bellissens, Louis Nompère de Champagny, l'abbé Edmé Georges de Champeaux, Charles Louis Dumas, Louis Urbain de Maussion, Jean Jacques Ordinaire, Nicolas Rémy Paulin, Paul Victor de Sèze, André Taranget, l'abbé Pierre Tédenat, etc.]. A la fin de l'année 1809, ou tout au début de 1810, tous les recteurs, vingt-six pour la France, sont nommés.
LA CIRCULAIRE DE FONTANES AUX RECTEURS.
Aussi, Louis de Fontanes peut-il, dès le 15 janvier 1810, adresser aux recteurs une Circulaire sur les rapports qui doivent unir les différentes partie de l'Université.
Plusieurs idées animent ce texte, chef-d'œuvre d'idéologie mise à nue.
1.Faire vivre une institution [ici l'Université] nécessite au delà des lois et des statuts une idéologie commune, un esprit qui anime le tout : « Ce qu’il y a de plus essentiel dans une institution n’est point écrit ».
2.« Le but de l’université est de former des citoyens attachés à leur religion, à leur prince, à leur patrie, à leurs parents ».
3.La célébration religieuse est le moyen de l'attachement et de l'unification. Avec ses pratiques graduées : prière à chaque rassemblement, chaque jour ; instruction religieuse chaque semaine par les aumôniers ; hymne chanté collectivement à la gloire de l'empereur, chaque semaine à l'office.
4. Inutile d'entrer dans la controverse qui divise et se rapporte au passé ; le faire l'emporte sur le discourir. L'exemple l'emporte sur l'argumentation.
Cette circulaire recoupe le Catéchisme impérial de 1806, dans lequel il est déclaré : « Les chrétiens doivent aux princes qui les gouvernent, et nous devons, en particulier, à notre Empereur l'amour, le respect, l'obéissance, la fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l'Empire et de son trône ; nous lui devons encore des prières ferventes pour son salut et pour la prospérité spirituelle et temporelle de l'État ».
LE TEXTE DE LA CIRCULAIRE.
15 janvier 1810. Circulaire du Grand-maître sur les rapports qui doivent unir les différentes parties de l'Université.
« Les lois et les statuts d’un corps ne règlent que ses rapports extérieurs. Ce qu’il y a de plus essentiel dans une institution n’est point écrit, et ne peut être écrit dans ses règlements. C’est moins à la sagesse de leurs statuts qu’à l’esprit qui les animait que les anciennes corporations enseignantes ont dû leurs succès. C’est à cet esprit de conduite que l’université devra sa force et sa considération. Sa Majesté, dans les décrets des 17 mars et 17 septembre, a posé les bases de l’enseignement dans toutes les écoles publiques. Le but de l’université est de former des citoyens attachés à leur religion, à leur prince, à leur patrie, à leurs parents. Une haute sagesse a posé les principes. La prudence doit tirer les conséquences. Le bien doit s’opérer sans faste et sans secousses. Tout ce qui sort des bornes de la modération devient suspect, et le zèle indiscret est la plus terrible persécution que les vérités utiles puissent redouter. Les nouveaux règlements des lycées prescrivent les exercices religieux qui étaient en usage autrefois dans les établissements d’instruction publique, chaque journée, chaque classe, chaque repas doit commencer par une prière commune. Outre ces pratiques consacrées par une tradition respectable, MM. les aumôniers feront, à des jours prescrits, des instructions convenables à l’âge et à la destination future des élèves. Mais, dans leurs discours, ils doivent éviter avec le plus grand soin de signaler soit directement, soit indirectement, les ennemis des maximes de paix qu’ils sont chargés de développer. Vous insisterez donc, Monsieur le Recteur, pour que dans aucune instruction religieuse, dans aucun discours académique, on ne réveille aucun souvenir fâcheux: on n’y doit jamais prononcer le mot de philosophe ou d’antiphilosophe, ni les autres dénominations trop nombreuses des partis religieux et politiques qui ont troublé les consciences, les familles et la société. Il est au moins inutile d’instruire les jeunes gens de controverses dont les dernières traces seront effacées lorsqu’ils seront appelés à servir l’état. D’ailleurs les doctrines qui font prospérer les institutions sociales ne sont plus un problème ni un sujet de controverse. Une expérience, consacrée par l’expérience de tous les siècles précédents, se renouvelle sous de plus grands et de plus heureux auspices. Il s’agit de faits et non de discours. C’est par des résultats que l’université doit répondre aux détracteurs des maximes anciennes. Je ne présume pas que dans les établissements fondés par la munificence de l’empereur il puisse y avoir d’autre parti que celui de l’état et du prince. Cependant pour marquer plus sensiblement cet esprit public, qui doit se confondre avec l’amour du souverain, je désire que dans chaque lycée, et même dans les collèges qui ont des chapelles particulières, on chante à la fin de l’office, les dimanches et fêtes, les prières en usage pour la conservation et la prospérité de l’empereur. J’aime à croire que toutes les voix de la jeunesse française s’élèveront de concert pour bénir celui qui répand sur elle tous les bienfaits de l’éducation et ouvre à leur émulation toutes les carrières de la gloire. Dieu et l’empereur ; voilà les deux noms qu’il faut graver dans le cœur des enfants. C’est à cette double pensée que doit se rapporter tout le système de l’éducation nationale. Si vous êtes entré, Monsieur le Recteur, dans les intentions qui ont dicté cette lettre, vous comprendrez qu’elle ne doit point faire le sujet d’une circulaire aux chefs des différents établissements qui vous sont subordonnés. Bien faire et peu discourir, telle doit être la maxime des principaux fonctionnaires de l’université. C’est par des exemples qu’ils doivent désormais raisonner, persuader et convaincre. Ces réflexions, peut-être, vous auront été suggérées par votre propre expérience. Votre sagesse saura en faire l’application. »
c JJB, 06-2011