Les institutions privées, hébergeant des pensionnaires, et fournissant un enseignement complémentaire aux élèves des collèges et des lycées sont nombreuses au XIXème siècle. On en compte environ huit cents dans toute la France. L' Institution Verdot, dirigée par un normalien, fait partie de ce groupe d'institutions établies dans le Marais, aux environs du collège Charlemagne : Massin, Favart, Jauffret, Liévyns.
JEAN MAURICE VERDOT ET L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE.
Né en 1807, Jean Maurice Verdot [1807-1871] est reçu en 1826, à l'Ecole préparatoire, tout nouvellement créée cette même année 1826.
L'École préparatoire est un avatar de l'École normale [première promotion en 1810], supprimée par ordonnance royale de Louis XVIII du vendredi 6 septembre 1822 contre-signée par Jacques Joseph Corbière, ministre de l'Intérieur [1821-1828] sous le gouvernement Villèle [1822-1827], et recréée sous le nom d’École préparatoire par l’ordonnance du jeudi 9 mars 1826.
L'École préparatoire est établie dans les bâtiments du collège royal de Louis-le-Grand. « Passablement installée », chétive et modeste, elle est placée sous la direction de Pierre Laurent Laborie [1767-1847], proviseur du collège depuis juillet 1824 [et qui le restera jusqu’en juillet 1830].
La rentrée effective a lieu en août 1826.
PROMOTION 1826 DE L'ÉCOLE PRÉPARATOIRE.
Sont reçus au concours du mois d’août 1826, dans l'ordre alphabétique : François Anquetil [1809-1894], agrégé des lettres en 1828, futur Inspecteur d’Académie à Versailles ; Nicolas Brunet, agrégé des lettres en 1829, futur professeur de troisième au lycée Henri-IV ; Louis Definance, futur professeur de classe élémentaire au lycée de Lyon ; Louis Tenant de Latour [1808 -1877], agrégé des lettres en 1828, futur précepteur du duc de Montpensier, cinquième fils du roi Louis-Philippe ; Alexandre Guerrier ; Louis Jourdain [1807-1872], agrégé des lettres en 1831, futur recteur départemental de 1850 à 1854, proviseur du lycée impérial de Montpellier ; Julien Lehuérou [1807-1843], agrégé des lettres en 1828, et futur professeur de Littérature étrangère à la Faculté des Lettres de Rennes [1843] ; Charles Mallet [1807-1875], agrégé des lettres en 1828, futur recteur départemental ; Joseph Morellet, futur professeur de philosophie au lycée de Douai ; Philippe Roux [1808-1887], agrégé des lettres en 1831, futur professeur de Littérature française à la Faculté des Lettres de Bordeaux, et doyen ; Louis Seignette [1807-1893], agrégé des lettres en 1828], futur professeur au lycée de Toulouse ; Jean Maurice Verdot [1807-1871], futur chef d'institution ; Louis Verney, futur professeur de philosophie au collège de Carpentras.
Il semble que, pour des raisons financières, Jean Maurice Verdot, classé major au concours d'entrée, n'ait pu effectuer toute sa scolarité à l'École.
LA CARRIÈRE DE JEAN MAURICE VERDOT.
Vers 1827, Jean Maurice Verdot devient maître d'études au collège Rollin, collège de plein exercice, établi rue des Postes [l'actuelle rue Lhomond].
Il y reste quelques années, puis en 1829, puis devient professeur suppléant au collège royal de Charlemagne, établi rue Saint-Antoine, dans la Maison des Grands-Jésuites.
L' Almanach royal de 1830 signale Jean Maurice Verdot comme l'un de la quinzaine de maîtres d'études que compte le collège Sainte-Barbe, installé en ce temps au 34 rue des Postes.
En 1831, Jean Maurice Verdot obtient sa licence. Il entre comme professeur à l'institution Liévyns qui occupe de vastes locaux, près du collège Charlemagne, au 23 rue de la Culture sainte Catherine [signalée parfois comme rue de la Couture Sainte Catherine].
Il va y rester toute sa vie, succédant à A. Liévyns en 1836, et rachetant l'institution en 1846, qui devient l'Institution Verdot.
Enfin en 1863, sa pension se réunit à celle dirigée par Louis Coutant.
LE 23 RUE DE LA CULTURE SAINTE CATHERINE : UN LOCAL PRESTIGIEUX.
S'installer dans les locaux du 23 rue de la Culture Sainte Catherine, c'est se trouver dans les anciens locaux de l'Ecole des Ponts-et-Chaussées, qui s'y est établie au lendemain de la Révolution française et qui y demeure pendant la Restauration.
Le bâtiment a été construit deux cent-cinquante ans plus tôt, vers 1550, par l'architecte Pierre Lescot et l'architecte et sculpteur Jean Goujon, pour le compte de Jacques de Ligneris [1480-1556], président du Parlement de Paris.
Il est occupé au fil de l'histoire, par Françoise de Kernevenoy, veuve d'un gentilhomme breton, dont le nom est francisé et déformé en Carnavalet.
La demeure est occupée vers 1650 par Claude Boislève, intendant de Nicolas Fouquet.
Cette demeure est habitée en 1677 par Marie Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné [1626-1696], jusqu'à sa mort en 1696. Puis jusqu'en 1777, par Brunet de Rancy, secrétaire du Roi, et enfin par la famille de l'économiste et statisticien Dupré de Saint-Maur, maître des comptes.
La demeure est achetée en 1866 par la Ville de Paris. Elle devient collège municipal.
Puis, relié à l'Hôtel Le Pelletier de Saint-Fargeau, l'Hôtel Carnavalet est aujourd'hui l'adresse du Musée de l'Histoire de Paris ; la rue de la Culture Sainte-Catherine, étant devenu, en février 1867, rue de Sévigné.
L'INSTITUTION VERDOT.
A. Liévyns s'est installé avec son institution dans ces locaux en 1829. Jean Maurice Verdot lui succède en 1836, et rachète l'institution en 1846.
L' Institution Verdot accueille des élèves, qui suivent en demi-pensionnaire dans la journée les cours du collège Charlemagne, collège qui ne dispose pas d'internat. Puis en fin d'après-midi, les élèves suivent à la pension des répétitions et des enseignements complémentaires fournis par des professeurs qui y arrondissent leur salaire.
Ces élèves bénéficient au réfectoire, contre une rétribution assez élevée, du vivre [d'où l'expression péjorative de « marchand de soupe » appliquée parfois aux chefs d'institution] et au dortoir du logement.
Jean Maurice Verdot a du succès. En témoignent les anciens élèves, le plus souvent scolarisés à Charlemagne, rappelant leur passage dans l'institution :
Dominique Claude Boisserand de Chassey [1826-1870], archiviste paléographe, diplômé de l'Ecole des Chartes [1849], archiviste aux Archives de l'Empire.
Achille Beauvallet [1829-1851], ancien élève de l'Ecole normale [1850], agrégé des lettres [1856], professeur de rhétorique à Reims.
Alphonse de Lavallée [1835-1884], botaniste.
Jacques Guillemaud [1835- ], homme de lettres.
Henry Joseph Lemonnier, archiviste paléographe, diplômé de l'Ecole des Chartes [1865], professeur d'Histoire de l'art à la Sorbonne.
Reconnu par ses pairs, Jean Maurice Verdot est élu secrétaire général de la Société des chefs d'institutions du département de la Seine, créée en 1843 et s'étendant aux départements de la Seine, de la Seine-et-Oise, de la Seine-et-Marne.
LES INSTITUTIONS AUTOUR DE CHARLEMAGNE.
Il y a un peu moins d'une quarantaine d'institutions dans Paris. Dans le quartier du Marais, autour du collège Charlemagne les institutions sont nombreuses.
La plus célèbre a peut-être été la pension Lepître, créée en 1804 par Jacques François Le Pître [1761-1821], auteur de quelques pièces de théâtre, réputé pour son dévouement aux idées royalistes, sise dans l’ancien Hôtel du marquis de Joyeuse, 9 rue de Saint-Louis au Marais, rebaptisée rue de Turenne [aujourd’hui 37 et 39 rue de Turenne]. L’établissement fonctionnera avec Jacques François Lepître jusqu’à l’automne 1815, autrement dit jusqu'à la seconde Restauration, puis sera maintenu, comme pension Guillet-Lepître, sous la direction d’Isidore Guillet.
Honoré de Balzac, de janvier à septembre 1815 ; Victor Cousin, de 1805 à 1810, l'ont fréquenté.
Dans la rue de la Culture Sainte Catherine, juste à côté de Lyévins, puis de Verdot, il y a la pension Jauffret, installée dans l'Hôtel Le Pelletier de Saint-Fargeau. La pension Jauffret fondée en 1837, par Anatole Jauffret [1810-1856] qui a racheté une institution plus ancienne, se réunira en 1870 à la pension Favart.
Dans le quartier du Marais, il y a également, rue Saint-Gilles, la pension Massin, fondée en 1810, par Jean Massin [1776-1849], ancien maître d'études, puis préfet au collège Sainte-Barbe. L'institution, devenue en 1849 Barbet-Massin fonctionnera jusqu'en 1884, Paul Barbet-Massin, gendre de Jean Massin, décédant en février 1869.
Quant à la pension Favart, son adresse est au 212 de la rue Saint-Antoine à l'Hôtel de Mayenne, appelé ultérieurement Hôtel d'Ormesson, construit à partir de 1570, qui avait appartenu à la famille de l'architecte Androuet du Cerceau, important historien de l'architecture. Son propriétaire Favart, un ancien libraire, meurt en 1832 de l'épidémie de choléra.
En 1840 la pension est dirigée par les Frères des Écoles chrétiennes, et devient l'Ecole des Francs-Bourgeois.
Bourdon est rue Payenne ; Cimttierre de Saint Amand, rue Culture Sainte-Catherine ; Lavallée, rue de Thorigny ; Petit, rue de Jouy ;
PUBLICATIONS DE JEAN MAURICE VERDOT.
En 1838, Jean Maurice Verdot rédige une Notice historique sur l'hôtel de Carnavalet, par J.-M. Verdot [Paris : chez l'auteur. In-16, 71 p., 1838].
Réédité en 1865 : L' Hôtel de Carnavalet, notice historique, par J.-M. Verdot, Chef d'institution, Officier de l'instruction publique, chevalier de la Légion d'honneur. Deuxième édition [Paris : Auguste Aubry, éditeur. 16 rue Dauphine. In-8, XI-85 p., 1865].
La pension que Jean Maurice Verdot a racheté à A. Lyévins, est établie dans l'ancien Hôtel Kernevenoy, dont le nom déformé a donné Carnavalet.
A partir de 1842, Jean Maurice Verdot [1807-1871] participe avec A. Liévyns et Pierre Bégat [1800-1882] à la publication, en cinq volumes, des Fastes de la légion-d'honneur : biographie de tous les décorés accompagnés de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, en cinq tomes [Paris : Au bureau de l'administration. Cinq volumes in-8, 1842-1847]. L'ouvrage contient un portrait de Napoléon.
En 1845, Tableau général de l'École normale, indiquant les noms, titres, âges et qualités des élèves depuis la création jusqu'à ce jour, par ordre alphabétique dans chacune des trente et une promotions, dressé sur les documents officiels et dédié à l'École, par J.-M. Verdot, élève de 1826 […] 4 septembre 1845 [Paris : l'auteur. In-folio plano. 1845].
En 1853, Discours prononcé par M. Verdot, chef d'institution, sur la tombe de Léon Noël, le 30 avril 1853 [Paris : imp. de Maulde et Renou. In-8, 4 p., 1853].
En 1869, À la mémoire de Paul Barbet-Massin, chef d'institution honoraire […] 25 février 1869 [Paris : impr. de Alcan-Lévy. In-8, 19 p., 1869].
Le discours est prononcé au nom de la Société des chefs d'institution de la Seine, de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise. Contient également un discours de A. Delahaye et un extrait de la Revue de l'Instruction publique, du 11 mars 1869, signé : M. Verdot.
SOURCE.
Annuaire des anciens élèves de l’École normale [Année 1873, notice rédigée par Henri Patin].
c JJB, 01-2012