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La cuisinière de la campagne et de la ville,
ou nouvelle cuisine économique, 1850.

La cuisinière de la campagne ou de la ville, ou nouvelle cuisine économique contenant : Table des mets selon l'ordre du service. Ustensiles, instruments et procédés nouveaux, avec figures. Service de la table par les domestiques, avec figures. Manière de servir et de découper à table, avec figures. Cuisines Française, Anglaise, Allemande, Flamande, Polonaise, Russe, Espagnole, Provençale, Languedocienne, Italienne et Gothique, au nombre de plus de 1,200 recettes, d'une exécution simple et facile. Divers moyens et recettes d'économie domestique, de conservation des viandes, poissons, légumes, fruits, oeufs, etc., etc. Article détaillé sur la Pâtisserie, avec figures. Moyen facile de faire les glaces. Des caves, des vins et des soins qu'ils exigent. Propriétés sanitaires et digestives des aliments. Table des mets par ordre alphabétique. Calendrier des fêtes et gala ; indication des jours maigres. Par M. L.-E. A. Trentième édition, Paris, Audot, Libraire-éditeur, rue du Paon, 8, Ecole-de-médecine, 1850

Quelques recettes choisies

CUISINE GOTHIQUE, OU ANCIENNE CUISINE FRANÇAISE
Un riche campagnard de la Bretagne nous a reproché de n'avoir pas inséré dans cet ouvrage un article sur l'art de servir un paon, et il nous a fait remarquer que dans un certain nombre de maisons et de fermes on nourrissait cet oiseau pour l'ornement, et que, par conséquent, on avait quelquefois l'occasion d'en manger de jeunes ; qu'un volatile aussi distingué devait être servi d'une manière digne de lui ; et que tout le monde n'ayant pas à sa disposition une bibliothèque historique où l'on pût trouver des renseignements à cet égard, nous aurions dû prévenir le voeu des amateurs.
Il fallait cette occasion pour nous engager à fouiller dans les vieux ouvrages et même dans les anciens manuscrits, où nous avons trouvé non-seulement le paon, mais encore la célèbre sauce cameline, qui était à peu près universelle autrefois ; la sauce de trahison, la galimafrée, l'hypocras et l'hydromel, non moins célèbres.
Nous avons réuni ces mets, moins sans doute pour l'utilité domestique que l'on y trouvera, que pour donner une légère idée de la cuisine de nos aïeux, qui, du reste, était précisément la cuisine encore en usage en Espagne et en Allemagne, et dont nous avons donné aussi un certain nombre de recettes.
Mêlez ensemble toutes sortes de viandes, un grand nombre d'aromates, de l'eau de rose, force jus de viande, poivre et sucre, et vous aurez le secret de la cuisine ancienne.
A présent que l'on meuble et décore tant de châteaux et de maisons dans les genres Moyen âge, Gothique, Renaissance, on pourra enfin servir dans les faïences de Palissy ou de Limoges des mets contemporains de ces vases, et les surmonter du fameux paon revêtu, dont l'écuyer tranchant ne devait être qu'un roi, un prince, ou un chevalier de haute valeur.

Sauce cameline

Faites griller légèrement des tranches de pain et les faites tremper sur le fourneau dans une casserole avec vin rouge et vinaigre, cannelle, épices; mettez refroidir sur une assiette, ensuite passez à l'étamine. Cette sauce, bien couverte, se garde, dans un pot, 7 ou 8 jours. Elle servait autrefois pour les rôtis, et elle était très-célèbre.

Sauce de trahison

Faites frire de l'ognon haché avec du lard fondu et ensuite passez-le à l'étamine avec du pain grillé et trempé dans du bouillon, mêlé de vin rouge et de vinaigre où on aura infusé de la cannelle pendant 24 heures ou plus. Ajoutez de la moutarde, épices et grand'foison de sucre, dit un auteur imprimé il y a plus de 300 ans.
Cette sauce était une de celles où l'on faisait entrer, selon l'usage du temps, tout à la fois du vin, du vinaigre et du sucre, chose que l'on regarde maintenant comme incompatibles.

Galimafrée (Entrée)

Hachez la moitié d'un gigot cuit à la broche et l'assaisonnez comme un hachis, en y ajoutant de l'ognon en aussi grande quantité qu'il vous plaira. Coupez le reste du gigot par morceaux gros comme des noix; faites cuire comme un hachis et servez.

Galimafrée à la moscovite (Entrée)

D'un gigot de mouton ôtez la peau et les nerfs; coupez les chairs par morceaux gros comme des noix et les piquez de moitié lard et moitié jambon; mettez-les au feu dans une casserole avec demi-verre d'huile, sel, poivre et bouquet garni. Lorsqu'ils commencent à chauffer, mouillez d'un demi-litre d'eau-de-vie, que vous enflammez en remuant jusqu'à ce que le feu s'éteigne; ajoutez du jus, du coulis, champignons, truffes, de tout cela ce que vous voudrez; faites cuire doucement; étant cuit, dégraissez, versez un jus de citron et servez. On peut aussi, au lieu d'huile, employer du beurre. Étant cuits on servira, si on veut, des marrons rôtis entre les morceaux de gigot, la sauce par-dessus. On peut aussi aplatir les morceaux de mouton.

Tourifas

Faites cuire à demi, dans de l'eau, du petit lard coupé en dés menus; faites égoutter. Mettez dans une casserole du lard fondu, ou du beurre, une poignée de très-petits dés de jambon maigre; faites suer à feu doux; ajoutez champignons, truffes, si vous voulez, persil et ciboules, le tout haché, une pincée de farine; mouillez de jus, remettez les dés de lard, poivre et épices; faites mijoter et que la sauce soit épaisse; retirez du feu, versez un jus de citron et laissez refroidir. Faites des rôties minces de mie de pin, de 3 doigts de largeur et 4 de long, couvrez-les chacune de votre ragoût; trempez dans de l'oeuf battu et panez de mie de pain; faites frire de belle couleur dans du saindoux, dressez et servez bien chaud.

Paon revêtu (Repas de noce)

Au lieu de plumer l'oiseau, il faut enlever la peau avec le plus grand soin, de manière que les plumes ne se détachent ni ne se brisent. Farcissez-le de ce que vous voudrez, même de truffes, foies gras, foies de volaille, lard gras, épices, sel, thym, laurier, sauge. (Voyez Dinde farcie.)
Enveloppez les pattes et la tête de plusieurs épaisseurs de toile, et enveloppez le corps d'un papier beurré. La tête et les pattes sortant par les deux bouts doivent être arrosées avec de l'eau pendant la cuisson pour les conserver, et surtout pour conserver l'aigrette. Avant de débrocher faites prendre couleur en enlevant le papier beurré. Débrochez. Quand il sera froid, posez-le sur une planchette de la forme du fond du plat, et au milieu de laquelle est fichée une brochette de bois pointue qui doit entrer dans le corps de l'oiseau pour le faire tenir droit; arrangez les pattes d'une manière naturelle ainsi que les plumes, dont celles de la queue seront dressées en éventail et maintenues avec du fil de fer. Le plat sera garni de persil auquel on pourrait mêler quelques fleurs de mauve blanche, de bourrache; point de capucine, dont l'éclat effacerait celui des couleurs de l'oiseau.
Mais, nous l'avons déjà dit, ce ne sont point les officiers ordinaires de la cuisine qui doivent placer le paon sur la table. Cette cérémonie glorieuse était réservée, dans les temps de la chevalerie, à la dame que distinguait le plus son rang ou sa beauté. Elle l'apportait au son des instruments, et le posait, au commencement du repas, devant le maître de la maison, ou devant la personne la plus considérée. Dans une noce, il pourrait être servi par la demoiselle d'honneur et placé devant la mariée.

Hypocras

Mettez dans une terrine une bouteille de bon vin rouge ou blanc, trois quarterons de sucre concassé, un peu de cannelle, de poivron, de gingembre par tranches, 12 clous de girofle, 2 feuilles de macis, une pomme de reinette en tranches; laissez reposer jusqu'à ce que le sucre soit fondu, et passez à plusieurs reprises dans une chausse où vous aurez placé une douzaine d'amandes douces concassées, mais non pelées. Mettez en bouteilles.

Hydromel

8 pintes d'eau et une de bon miel, le tout bouilli à consomption de la moitié, y ajoutant à la fin une once d'eau-de-vie. Peut se garder 10 à 12 ans.

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DE LA VIANDE NOIRE

On entend par viande noire la chair des chevreuils, daims, sangliers, cerfs et ours. On a parlé dans cet ouvrage du chevreuil et du sanglier. Les préparations indiquées peuvent s'appliquer au daim et au cerf, dont on mange l'échinée, les filets et les côtelettes. Le cerf est la viande dont on fait le moins d'usage.

Il n'en est pas de même de l'ours jeune et gras; sa chair est savoureuse et assez délicate quand on a su l'attendrir à son point de mortification. C'est avant l'hivernage qu'il faut le saisir, car au printemps il a beaucoup maigri, puisqu'il a passé l'hiver dans sa tanière sans manger.

On sera étonné que nous traitions de sa préparation; mais on doit penser qu'il se consomme chaque année un grand nombre d'ours en Europe, et que le bifteck d'ours n'est pas une chimère, surtout dans le Nord. Les Alpes, les Apennins, l'Atlas (Algérie) en fournissent aussi à la France, et il n'y aurait rien d'étonnant à voir un jour nos chasseurs parisiens dédaigner la plaine Saint-Denis et prendre le chemin de fer pour aller le dimanche chasser l'ours des Alpes.

Ourson à la mode

Vous prenez un ours, et je répète qu'il faut absolument qu'il soit jeune; désossez-le, laissez-le se mortifier 15 jours, et même un mois si le temps le permet; battez-le vigoureusement et faites-le cuire en boeuf à la mode au moins 8 heures à petit feu. C'est là la manière la plus sûre d'en faire un bon usage. L'ourson ne craint pas un fort assaisonnement, même le poivre de cayenne.

Ourson à la broche

Parez le morceau, gigot ou filet (toujours bien mortifié et battu), frottez-le de sel, d'un peu de salpêtre, et versez dessus une marinade faite ainsi: mettez dans une casserole et sur le feu un peu de beurre, du lard de poitrine en dés, échalotes, ail, carottes émincées, persil, clous de girofle, gros poivre, thym, laurier, basilic, sauge, sarriette; passez sur le feu, mouillez d'une bouteille de vin blanc, laissez 24 heures. Mettez à la broche enveloppé d'un fort papier beurré, ficelé et barbouillé d'une pâte claire faite avec de l'eau et de la farine; faites cuire une heure ou deux, selon la pièce. A moitié de la cuisson, on aura fait un trou au papier pour introduire un verre de la marinade; on rebouche le trou avec de la pâte. Faites un roux, mouillez de bouillon, bon vin rouge, de la marinade, poivre de Cayenne; faites réduire et servez dans une saucière à côté du gigot débroché et arrosé de son propre jus. Le bifteck se prépare de même.

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